Management de l’information et intelligence économique

Olivier Mevel et Philippe Abgrall ont publié un article sur « le management de l’information dans l’organisation » dans le cahier de recherche du MARSOUIN. Cet article propose une approche de la veille informationnelle permettant d’envisager la construction d’un outil de captage, de traitement et d’analyse des signaux faibles. L’idée centrale étant que contrairement à la majorité des dispositifs existants qui dédient spécifiquement des acteurs à la veille stratégique, chaque acteur, quelque qu’il soit doit, fait partie du système de veille informationnelle. On revient à l’idée de veille collaborative au sein de l’organisation.

Trop souvent les domaines de la veille stratégique et de l’intelligence économique restent totalement ou partiellement inaccessibles à bon nombre de collaborateurs opérationnels de la firme voire aux cadres dirigeants eux-mêmes. Sauf en de rares exceptions notables, en matière d’intelligence économique, le spécialiste parle au spécialiste. Si l’entreprise est une organisation qui a besoin d’informations pertinentes et anticipatives afin d’avoir un avantage concurrentiel, il s’agit alors d’assurer la circulation de l’information afin de permettre un traitement collectif. Ainsi chaque collaborateur est un acteur du système de veille.

L’entreprise, une organisation qui a besoin d’une information pertinente

Aujourd’hui, dans une ère désormais devenue informationnelle, c’est l’information qui crée la différence et qui s’impose, directement ou indirectement, comme la source d’un avantage concurrentiel pour l’organisation. Aussi, l’information est donc devenue un contributeur essentiel de la performance, un facteur de production aussi important que les matières premières et les ressources humaines pour produire efficacement. Cependant, certaines informations dites « floues » ne sont pas directement admissibles au sein du système d information automatisé de la firme alors même que ces informations peuvent s avérer signifiantes voire déterminantes pour les acteurs.

Les signaux faibles sont des éléments porteurs d’une information de nature anticipative. Ils s’apparentent plutôt à des « bruits » dont la valeur n est perçue qu’après un traitement approprié du signal (individuel ou collectif). Les signaux faibles désignent des informations qui sont le plus souvent extraverties, de nature prospective, plus qualitatives que quantitatives, d’une durée de vie limitée et rapidement obsolètes. Elles sont incertaines, imprécises et fragmentaires; peu signifiantes prises individuellement, elles ne s’enrichissent que recoupées et agencées les unes par rapport aux autres. Mais tous les signaux faibles ne sont pas sources d’ informations pertinentes pour le management.

Le dispositif de captage des signaux faibles : un outil d agglomération de l information à haute valeur ajoutée au service du management

S’il existe des systèmes de veille stratégique, l’idée principale est d’intégrer l’ensemble des acteurs opérationnels d’une organisation, sans présupposition préalable de leurs aptitudes individuelles au traitement de l’information. Il s agit donc prioritairement de savoir caractériser, de manière globale, les signaux de régulation interne et externe propre à une organisation, puis de les profiler, c’est à dire de définir, pour différents types de données analysées, les différentes informations pertinentes qui sont susceptibles d’en être extraites et d anticiper sur l intérêt des connaissances qui pourront être alors synthétisées.

Pour chacun des domaines d’activités stratégiques de l’organisation, il faut faire un choix parmi les acteurs opérationnels en contact avec les signaux faibles, non pas forcément en fonction de leurs aptitudes intrinsèques ni de leurs connaissances générales, ni par rapport à une quelconque grille de compétences, mais bien plus par rapport à la volonté affirmée des collaborateurs de participer ou non à cette activité. La mise en réseau des acteurs se comprend au travers d’un espace numérique d’échange, afin de favoriser rapidement l’agglomération de l’information pertinente. Chaque acteur doit :

  • déposer les données qu il ne parvient pas à analyser ainsi que les premières caractéristiques du signal faible qu’il aura perçu
  • prendre connaissance des contributions des autres acteurs
  • de confirmer, d’infirmer, d’affiner ou de s’interroger relativement aux données ou signaux faibles déposés par les autres acteurs.

L’espace numérique d’échange (qui pourrait être un wiki) tracera et gardera la référence de celui qui a déposé une donnée, un signal d alerte précoce (premier niveau de traitement de l’information) ou tout simplement de celui qui a réagit à un signal. Le système d’information conservera également les dates des interventions de chacun des acteurs.

Au sein de cet espace numérique d’échange, le fédérateur est un référant informationnel qui appartient plutôt au niveau stratégique de l organisation et qui a pour rôle spécifique d administrer le réseau tant en terme d intensité que de qualité des échanges. Le choix de cet acteur est critique. Il encourage et sollicite le dépôt des données au sein du réseau des veilleurs mais sa principale mission reste d’animer l’espace et faire émerger les premières redondances informationnelles qui vont l’amener à sélectionner les signaux qui lui semblent les plus prometteurs. Ce travail reste essentiel car il encourage l’accession des acteurs à l’information anticipative par la co-construction. Le fédérateur aura aussi pour tâche de proposer une formulation de synthèse de l ensemble de ces signaux.

Les acteurs stratégiques ont une première vision en accédant aux formulations synthétiques du fédérateur (lecture rapide), et un deuxième niveau de lecture en accédant au détail des contributions.Cet acteur pourra lui même enrichir les contributions en ajoutant ses remarques et observations.

Les auteurs de cet article propose donc une véritable méthodologie pour mettre en place une veille collective (avec tout l’appareillage conceptuel universitaire pour ceux qui liront l’article dans son intégralité) dans une organisation.