Management 2.0 : vers l’entreprise collaborative (2)

Voici la suite du compte-rendu du petit déjeuner autour du management 2.0 avec l’intervention de Jean Pralong.

Nous devons partir du principe que ce sont les outils qui viennent étayer un mode de management et non l’inverse.

Ces nouveaux outils et le succès des entreprises qui les utilisent illustrent une rupture fondamentale entre les économies du XXème et du XXIème siècle. Afin de comprendre en quoi cette révolution challenge les modes de management, il nous faut définir cette rupture.

L’économie du XXème siècle

Lente, prévisible et très peu compétitive, l’économie que nous quittons était issue du modèle industriel de l’après-guerre et a accouché d’une entreprise bureaucratique, de type pyramidal. Ce modèle a connu une première remise en question dans les années 70, pendant lesquelles émerge une logique reposant sur la qualité.

La qualité s’étant imposée comme le nouveau standard dominant et l’élément de différenciation par excellence, les entreprises cherchent à développer des compétences permettant d’accéder à la perfection (trouver les bons gestes, les bons acquis, les bonnes sources de performance), à figer ce modèle et à le reproduire à l’infini.

Cette logique a donné du sens à la fonction RH pendant longtemps (guidée par la recherche de l’adéquation entre le poste et les compétences). Cette recherche de la perfection reproductible a finalement contribué à figer l’organisation. De fait, l’entreprise classique ne s’intéresse pas à la créativité ou à l’innovation, focalise son attention sur le contrôle de l’activité et limite ainsi les contributions des individus aux besoins stricts des postes.

L’économie du XXIème siècle

C’est l’économie de la créativité. Elle est davantage orientée sur le service, le sur-mesure, et conditionnée par l’émergence d’une concurrence accrue. La qualité n’est plus l’objectif à atteindre mais le minimum requis. La véritable valeur ajoutée de l’entreprise réside dans sa créativité.

Il s’agit d’un nouveau challenge pour les responsables des ressources humaines et les managers. En effet, la créativité ne se décrète pas ! Ils doivent ainsi inventer des techniques managériales qui suscitent la créativité.

Jean Pralong évoque les règles de fonctionnement d’une filiale du groupe Disney. Le dirigeant du service de création des attractions des parcs a mis en place un dispositif dont le succès en termes d’efficacité, de satisfaction individuelle au travail des collaborateurs a été mesuré et confirmé. Ce dispositif est le suivant :

  • Création de la Skill Bank (banque des talents), qui recense les savoir-faire et passions des collaborateurs. Elle permet ainsi une connaissance « ouverte » des autres, pas uniquement basée sur des compétences professionnelles.
  • Liberté totale des managers de constituer les équipes (possibilité de recruter n’importe qui et pour n’importe quelle raison)
  • Abolition des règles et suppression des hiérarchies dans ces équipes (refus d’une logique de postes)

Enseignements et pistes de réflexions

L’entreprise performante est celle qui cherche à innover et qui se dote de pratiques permettant d’atteindre cet objectif. Or la créativité ne se décrète pas. Elle peut en revanche être favorisée et catalysée grâce à de nouveaux modes de management dont les propositions suivantes font partie.

  • La diversité favorise la créativité. Il existe un lien vertueux entre ces 2 notions.

Il apparait essentiel de la valoriser et de prendre cet élément en considération dans le recrutement. Il faut cesser de baser le recrutement sur les expériences passées et les seules compétences individuelles. Nous devons désormais miser sur les potentiels, les complémentarités et les capacités à travailler en équipe.

  • L’équipe doit être replacée au centre de la stratégie d’entreprise.
  • Les individus doivent être considérés en fonction des réseaux qu’ils gèrent et auxquels ils appartiennent.
  • Les rôles des managers et des responsables RH changent considérablement. Un décloisonnement des fonctions est nécessaire. Les managers évoluent vers un rôle d’ « impresario des collaborateurs », ils « vendent » leurs talents dans les différents projets de l’organisation.

C’est dans ce cadre que le travail collaboratif prend tout son sens. Les outils 2.0 permettent de « piocher » dans les talents des collaborateurs pour les utiliser. Ils facilitent également le brainstorming collectif : n’importe qui peut répondre à une question posée et proposer une solution. Les talents des individus sont ainsi mobilisés au sein d’un groupe, sans que la dimension hiérarchique soit prise en considération.

Un risque important subsiste : un contrôle trop présent de cet espace d’expression, qui par nature anéantit la liberté.

C’est pourquoi Jean Pralong insiste sur le fait que l’outil n’est pas central et n’est surtout pas un fin en soi ; c’est bien les comportements qui conditionnent la pérennité du modèle collaboratif.

Les outils demeurent au service d’un nouveau mode management et d’une culture d’entreprise, objet de gestion à part entière.



Conclusion

Les cultures et structures d’entreprise restent fortement marquées par l’héritage des organisations pyramidales. Or le modèle intégratif n’est pas inné ; l’utilisation des outils 2.0 implique un changement culturel et organisationnel profond. Il est plus difficile de l’intégrer dans les modes de fonctionnement d’une entreprise pyramidale reposant sur l’autorité hiérarchique et la méfiance.

Pourtant, l’évolution des entreprises vers un nouveau mode de management, servi par l’adoption généralisée de ces nouvelles technologies, semble inéluctable.

Les interventions de MM. Hervé et Pralong ont en effet démontré qu’une telle transformation rend l’entreprise plus souple et plus agile. Elle favorise la créativité et l’innovation, facteurs de compétitivité dans la nouvelle économie. Elle renforce les identités et génèrent une satisfaction inégalée des collaborateurs. Elle renforce la solidarité. Enfin, elle garantit l’attractivité et la stabilité de l’entreprise en permettant aux utilisateurs de ces outils d’en repousser les frontières au sein de leur sphère professionnelle.

Merci à Laurence Reichenbach pour ce compte-rendu.