Entreprise 2.0 : votre pire cauchemar ?

Bien souvent bloggeurs, consultants, influenceurs… présentons l’entreprise 2.0 comme le modèle de l’entreprise demain, celui qui saura réunir performance pour l’entreprise, reconnaissance et bien-être pour les collaborateurs, un mode gagnant-gagnant. Est-ce si sûr ? Au risque de se répéter, un réseau social d’entreprise n’est qu’un outil et il est ce qu’on en fait. Au regard de ce qui se passe dans nos organisations, pouvons nous vraiment en être certains, que cela va être pour le meilleur, ou bien pour le pire ?

Que promet l’entreprise 2.0, plus de transparence ? Au final une forme de panoptique ou chacun pourra voir ce que tout le monde fait. Une société ou tout le monde voit ce que fait tout le monde, un petit arrière goût de 1984 non ? Une pression sociale importante en perspective qui n’est peut-être pas à négliger. Donc une pression beaucoup plus pernicieuse et donc du stress où nul ne peut être blâmé pour cela. C’est vraiment le rêve une société où tous m’observe et me juge ?

Moins de management intermédiaire ? Donc une entreprise moins hiérarchique, ouverte à tous, mais qui pour commencer « purge » une partie de ces cadres. C’est vrai, cela commence bien.

Une e-reputation liée à mes publications sur le réseau. Donc une machine qui va compter mon nombre de publications, les « j’aime » de mes collègues. Pour ceux qui regardent la série Borgia, un petit peu de simonie en perspective… et surtout une évaluation qui va dépendre d’un rapport purement quantitatif. Donc au final, est-ce que j’utilise le réseau social de l’entreprise ? Pas certain que cette mesure démontre la valeur ajoutée du collaboratif et des collaborateurs.

L’empowerment de mes collègues. C’est vrai, c’est le rêve de chacun ? Là encore, cela fleure bon l’idée qui a fait long feu, que chaque chômeur était un auto-entrepreneur en puissance. Je ne suis pas sûr que chacun est envie de cette part d’autonomie, car cela renvoi aussi à une prise de risque, des choix et décisions à prendre et donc des responsabilités. Il peut-être agréable parfois de se laisser guider.

En fait, chaque argument en faveur de l’entreprise 2.0 a aussi sa face cachée et peut déboucher sur le pire. Nous sommes bien face à une problématique culturelle ou chacun va devoir apprendre à se comporter différemment, à commencer par revoir les rapports de pouvoir, mais aussi sociaux au sein des organisations. Que m’importe si mon « tyran » n’est plus mon n+1, mais un « influenceur » reconnu par ses pairs. On fait porter beaucoup  de « fautes » sur le management intermédiaire, mais sans doute faut-il surtout regarder du côté de l’organisation. Les rapports de force seront moins hiérarchiques, mais plus sociaux. Cela demeure tout de même un rapport de force et de domination.

Il y a un vrai modèle à repenser. C’est en cela que la conduite du changement est particulière dans ce type de projet et ne repose pas sur la maîtrise  de l’outil, mais bien dans l’intégration d’une autre forme d’organisation qui fait réellement évoluer les rapports sociaux au sein de l’entreprise. On retrouve dans l’Education nationale des applications de la pédagogie Freinet, déccorélées de son contexte. Mais cela ne sert à rien car cette pédagogie ne fonctionne que dans un tout, qui vise à faire évoluer la culture globale de la société.

Mettre un RSE en place ne sert à rien si on ne fait pas évoluer l’organisation et la culture dans le même sens. Et comme on l’a vu, cela peut même produire l’effet inverse, produire une entreprise encore plus traumatisante et déstructurante.

Et vous, à quoi elle ressemble votre l’entreprise 2.0 de vos rêves ?