Médias sociaux : les pigeons peuvent-ils se reproduire ?

Chaque année, il y a des actualités sur les médias sociaux qui se transforme en cas d’école, comme pour Nestlé. Celui des pigeons semble bien en prendre le chemin. Vous avez dû en entendre parler à priori. Quoiqu’il en soit, un petit récapitulatif avant de voir plus loin.

Un peu d’histoire

Si vous bossez dans le web ou le milieu des start-up, difficile d’être passé à côté, il y a même de grandes chances que vous connaissiez certains de cette bande d’oiseaux rares : les pigeons (je vais passer volontairement sur la partie des auto-entrepreneurs, qui sans les start-upeurs n’auraient pas eu cette audience).

Un petit (enfin au début) collectif d’entrepreneur a décidé d’exprimer sa grogne à l’égard du projet de loi de finances et des réformes, notamment concernant la taxation des plus-values en cas de revente d’une entreprise, qui selon eux pourrait passer de 32 % à 60,5 %. En fait, la mesure, visait à soumettre les plus-values au barème progressif de l’impôt sur le revenu,  pouvant aller jusqu’à 45%, avec la CSG et la RDS, on pouvait atteindre 60%.

Résultat des courses, une mobilisation importante sur le  net (logique, elle est lancée par des professionnels du web comme Yael Rozencwajg). Aujourd’hui la page Facebook dépasse les 68 000 fans, relayée par des professionnels de ces nouveaux médias via blog, twitter (#geonpi)… et à la traîne l’opposition et le MEDEF qui tentent de prendre le train en marche. Cet article ne vise pas à prendre partie pour une position ou une autre, mais plutôt à se concentrer sur le « phénomène » en lui même.

C’est quoi internet ?

Si certains députés PS expliquent qu’une loi ne dois pas bouger pour quelques likes sur une page Facebook, c’est qu’ils n’ont une fois de plus rien compris et sous-estime la puissance que représente aujourd’hui internet en terme de mobilisation, de caisse de résonnance et d’influence. Tout comme ceux qui pendant le printemps arabe, pensaient que twitter avait permis la révolution, sur-estiment le poids de ce dernier au détriment de ceux qui se battent dans la rue.

GRRRRRRRRRR…………..Rêve

Dans le cas des pigeons ce qui est mis en exergue c’est la défense de la culture de l’entreprenariat et de la création d’entreprises. Si tout le monde souhaite que la France soit à la hauteur de la Silicon Valley au niveau start-up et Venture Capitalist (il y a encore du chemin je vous rassure), cette loi est dénoncé comme allant à l’exact opposé de cette ambition. Dans le discours on dépasse donc un simple cadre « corporatiste » et libéral, pour défendre une autre idée, celle d’une France moderne, qui avance, procure des emplois… Savoir sublimer un discours, je passe sur l’exagération de certains chiffres (quand on communique de manière massive, il faut être simple à défaut d’être totalement exhaustif), est un véritable enjeu totalement réussit. On a l’impression de défendre la veuve et l’orphelin que le grand méchant loup (Bercy) va manger tout cru. C’est l’individu qui est mis en avant dans lequel beaucoup peuvent s’identifier, avec un discours simpliste (comme souvent sur les discours anti-taxation) que tout le monde comprend.

Forcément, avec des gens qui ne comprennent rien au ressort du web (c’est le cas aussi bien dans les gouvernements de droite, comme de gauche ou alors ce ne sont pas ceux qui ont le dernier mot), ils ont laissé la place libre aux explications des pigeons s’empêtrant un peu tard dans un discours technique, qui se voulait pédagogique, mais incompréhensible pour beaucoup. Alors qu’être pris pour un pigeon (le nom est vraiment bien trouvé) ça parle à tout le monde face au méchant technocrate qui plume sans savoir. On défend du rêve face à un rouleau compresseur administratif, une espèce de David contre Goliath.

Une maîtrise de l’internet pour communiquer bien supérieure à leurs adversaire, je ne reviens pas dessus, mais surtout une maîtrise de l’agenda médiatique et en communication de crise c’est incontournable. Maintenant, il faut aussi dépasser le mythe de l’internet a tout fait. Certes cela a permis une mobilisation de grande ampleur et une visibilité extrêmement importante, mais ce n’est pas tout (on est sur du grassroot lobbying classique : faire du lobbying de terrain). Les start-upeurs, entrepreneurs sont des gens de réseaux et leurs réseaux vont dans les comités de rédaction mais aussi  jusqu’au plus haut des sphères du pouvoir, et donc les téléphones ont aussi bien chauffé au niveau des ministères  (grasstop lobbying : faire du lobbying de salon), ce qui n’a pas été inutile loin de là. C’est pour cela que quand j’entend dire que le lobbying de couloir est mort, cela me fait sourire.

Quoiqu’il en soit au regard de l’objectifs de départ et des moyens alloués c’est plutôt une réussite.  Vous avez pu voir que les Canaries et autres volatiles commencent eux aussi à voler en escadrille…

Alors c’est reproductible un pigeon ?

  • Au final un discours de David contre Goliath dans lequel tout le monde peut se projeter, s’identifier. Difficile pour entreprise de tenir le même discours « d’utilité publique, voir de préférence nationale ». Je ne défend pas une marque, mais du rêve. Il en va de même pour d’autres groupes de pressions.
  • Des relais internet spontanés et corporatiste quelque part, qu’aucune entreprise ne peut prétendre mobiliser ainsi. Aucun relais n’a été payé, mais tous les gens qui sont liés au net ont rêvé au moins une fois d’avoir la bonne idée « qui fera faire la culbute ». C’est comme le rêve américain… on ne tue pas une part de rêve.
  • Au mieux, on pourra reproduire cette maîtrise des médias sociaux et le carnet d’adresse qui va avec, mais il aussi difficile de reproduire cette maîtrise de l’agenda médiatique.

 

Et puis surtout la foudre ne tombe jamais deux fois au même endroit. Vous rêviez vous aussi d’une campagne de lobbying comme celle-là, il va falloir trouver autre chose. La guérilla, quelle soit numérique ou pas, c’est savoir se réinventer, être agile, rapide (on loin des critères d’une entreprise) et surtout rien ne vaut l’effet de surprise… et de côté là maintenant c’est foutu. Comme sur un marché, la prime au premier entrant.