Social Business : savoir se remettre en question dans un monde en transformation

benchmarkingDe nombreuses entreprises souhaitent connaître les échecs et succès des projets de social business dans d’autres entreprises afin d’en tirer profit, de comprendre un certain nombre de mécanisme et elles s’organisent dans des groupements comme l’Observatoire des RSE. Méthode louable s’il en est, après tout c’est bien le but des différentes conférences auxquelles je participe, des différents articles publiés sur le web… De même, c’est la force des grands cabinets de stratégie comme McKinsey, qui ont fait notamment de cette capacité à benchmarker, leur fond de commerce. D’ailleurs nous sommes nombreux à nous appuyer sur les études McKinsey car on y trouve des chiffres marquant comme celui-ci :

75% des entreprises utiliseront des outils collaboratifs en 2013

Très bien pour marquer les esprit, mais comme dirait Georges dans une célèbre publicité : What else ?

Commençons par le petit bout de la lorgnette, l’entreprise 2.0. Ok il y a de vraies réussites (il faudrait tout de même se mettre d’accord sur la définition de réussite d’un projet d’entreprise 2.0), mais quand dans le même temps Gartner explique qu’à minima 70% des projets collaboratifs vont échouer et que dans la suite du rapport de McKinsey cité ci-dessus, on peut lire que ces 75% ça pourraient être inneficaces si c’est mal implémenté (là on ne parle pas d’outil, on parle d’accompagnement et d’objectifs notamment). Se renseigner c’est bien, mais les projets ont en général au plus 5 ans, mais en moyenne 2 ans et à priori la majorité risque de se planter, au sens gain business. Je fais très rarement de retour d’expérience sur ce blog, ça avait été aussi mon choix dans mon livre sur les réseaux sociaux d’entreprise, ce n’est pas pour rien. Si la connaissance des expérimentations était suffisante, ainsi que les bonnes pratiques disséminées à droite à gauche dans ce blog ou ailleurs, ça se saurait. Comme je dis souvent ce n’est pas en lisant des livres que vous apprendrez à nager. Idem pour le social business. Sans compter que pour permettre à ces projets de se déployer, on a tendance à se limiter à un usage du réseau social d’entreprise, sans vraiment se fixer d’objectifs en lien avec le business. En même temps c’est normal, transformer sa culture et son organisation cela prend du temps, et il faut faire les choses par étapes. Mais on est loin du fonctionnement d’une entreprise 2.0, on est plus dans l’implémentation plus ou moins réussie d’un outil.

Donc premier point, le benchmark d’entreprise menant des projets d’entreprise 2.0 ou collaboratif a tout de même ses limites. Ce qui va plus compter, c’est l’expérience de ceux qui ont mis en oeuvre ce projet, et pas une recette toute faite. Mais ils ne travaillent pas pour vous et leur expérience est difficile à transmettre et appliquer au quotidien chez vous, sans leur aide. Sans compter que votre culture d’entreprise est différente de la leur et de celle de vos collaborateurs aussi. Pour illustrer ce propos, s’il existe des archives à la NASA, rien ne vaut le vécu. Ainsi les collaborateurs qui ont géré différents problèmes, comme pour l’épopée lunaire, sont maintenant à la retraite. Or beaucoup de choses ont été improvisées sur le moment, car dans le feu de l’action cela se passe rarement comme cela a été écrit sur la papier et prévu. Et tout cela n’est pas capitalisé dans les documents internes. Ce sont les individus qui comptent plus que les documents.

Maintenant le second point. Penser benchmark collaboratif, cela a aussi ses limites au niveau de l’appréhension de votre projet. Vous devez penser global, sinon vous aurez le collaboratif dans un coin et le business dans l’autre, comme c’est souvent le cas. Mais penser global c’est aussi accepter de se remettre en question, notamment pour les grands cabinets qui accompagne ces transformations. Tous les grands cabinets de consultants qui ont mis en place les business plan des grandes entreprises (j’en ai déjà cité un, mais il n’est pas le seul) ont montré les limites de ces derniers, sinon on peut supposer que nous n’en serions pas là où nous en sommes aujourd’hui. Nouvelles méthodes, pas seulement, nouvelle vision surtout. Donc accepter aussi pour les grands cabinets de remettre en question leur approche et leur culture. On en revient au dilemne de l’innovateur, difficile de changer son business model et son fonctionnement interne, quand il fonctionne assez bien et fait de vous un des leaders sur votre créneau.

Je vais faire un parallèle avec l’Education nationale. De nombreuses enquêtes ont montré que les écoles Freinet, pour ne citer qu’elles parmi d’autres pédagogie innovante, permettaient un développement de l’enfant bien supérieur à ce qui se fait dans les écoles classiques. Mais derrière le « système Freinet » il y a une vision de la société, disons le clairement une pensée politique. Mais l’éducation nationale fait abstraction de cette partie pour ne reprendre dans ces recommandations, que les « trucs » à appliquer au sein d’une classe. Si cela permet d’améliorer un peu les choses, on est loin des résultats escomptés. Sans compter que cela remet en question aussi l’enseignant et sa « vision du monde », ainsi que son rôle et plus globalement le système éducatif et son objectif. Comme dans le social business, mettre un réseau social d’entreprise (RSE) et fluidifier peut un légèrement améliorer certaines choses, mais on est loin du compte. On parle de vision et philosophie, pas d’outil.

Là c’est pareil, les gens qui font les benchmarks sont aussi ceux qui vous ont amenés dans ce cul de sac. Si eux même n’acceptent pas de se remettre en question, comment vont-ils vous faire sortir de l’ornière. Les grands cabinets doivent accepter de se remettre en question, mais ils ne sont pas les seuls, les entreprises doivent accepter aussi de revoir leur modèle. Il y a donc une vraie rêv…évolution mentale à effectuer, tant de la part des consultants que de la part des clients.

Il y a eu déjà deux révolutions dans la société : le passage de l’oral à l’écrit, puis le passage de l’écrit à l’imprimerie. Aujourd’hui c’est le passage au digital. Nouvelles règles, nouveaux équilibres, nouvelles visions, nouvelles entreprises. Un véritable projet social business porte en lui les germes  de ce changement, encore faut-il vouloir le cultiver.