L’entreprise 2.0 : bienvenue chez les Bisounours ?

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Je ne sais pas si vous vous souvenez d’une publicité, il y a quelques années, appelant à aller voter aux prud’hommes sous la forme d’une comédie musicale : en gros tout était merveilleux. Quand on lit des articles sur l’entreprise 2.0, on a toujours l’impression de vivre dans un monde où chacun va aider son prochain, collaborer, faire disparaître les rapports de pouvoir… (ce post a été publié lundi dernier sur Collaboratif info).

Bien sûr, on trouve dans les entreprises des passionnés qui souhaitent voir les médias sociaux et les usages associés intégrer le monde professionnel. Mais il existe aussi de nombreux cas où le lancement d’un projet 2.0 part sur des bases beaucoup moins claires, voire moins bien intentionnées. Voici quelques exemples qui nous ramènent vers un monde plus réaliste où les rapports dans l’entreprise sont un peu plus rugueux et un peu moins orientés Bisounours.

Un petit rappel tout d’abord : la transformation d’une entreprise en organisation 2.0 consiste surtout à produire de la performance et donc faire de l’argent. Elle n’est pas là pour lancer des conversations sans raisons, aussi intéressantes soient-elles. Mais revenons à mes exemples.

Intranet 2.0 et stratégie individuelle

Dernièrement, dans une société de services liée à la formation où je suis intervenu pour mettre en place un intranet 2.0 et accompagner les équipes à s’approprier cet outil et les usages inhérents, je me suis retrouvé avec une directrice de projet à l’opposé de ce que peut-être le 2.0. Elle ne délègue pas, elle veut décider de tout et elle utilise le travail de ses collaborateurs pour se faire mousser auprès du Codir.
Voyant que ce projet était porté au plus au niveau par la DG, elle en a pris la direction (surtout elle pensait que cela se faisait tout seul et qu’elle aurait juste à jouer à l’inspecteur des travaux finis). Inutile de vous dire que le mot confiance est absent de son vocabulaire et qu’elle a mis des bâtons dans les roues de tout le monde : un projet comme on en rêve tout les jours. Et je ne parle pas de la DSI qu’elle a quasiment exclue dès le début du projet (ça simplifie les choses quand on doit installer une plateforme collaborative derrière le firewall).

Autre exemple dans une société industrielle française. Deux projets en interne de mise en place de plateformes collaboratives avec le personnel et les partenaires. Les deux projets ne dépendant pas des mêmes directions, chacun a essayé de doubler l’autre pour montrer que son projet était le plus performant au lieu de chercher des synergies pour se développer mutuellement. Cela a donc tourné à la guerre de la communication interne et externe. On retrouve ici l’application parfaite de la théorie des jeux.
Reprise en main grâce aux communautés de pratiques
Pour finir, dans le secteur de la banque/assurance, là encore les motivations pour mettre en place des communautés n’avaient rien de collaboratif à la base. Comme dans beaucoup d’entreprises, même s’il y a une DRH corporate, les RH sont souvent rattachées aux filières métiers. Du coup, la DRH corporate, plus ou moins mise sur la touche, a mis en place des communautés de pratiques pour l’ensemble des RH de l’entreprise. Elle a ainsi pu contourner la hiérarchie des filières métiers et faire passer ses messages auprès des différents RH et renforcer le sentiment d’appartenance à la communauté RH. La motivation première a finalement été une reprise en main des troupes et une mise sous contrôle (même s’il y a eu aussi tous les bénéfices liés à la mise en place de communauté de pratiques).

J’aurais pu proposer d’autres cas, ainsi le dernier je l’ai aussi rencontré chez plusieurs industriels français. Mais bien sûr, un exemple ne démontre rien. Et surtout, dans les 3 cités, le projet a abouti, ce qui n’est pas toujours le cas. Je souhaitais juste montrer que le moteur des projets de transformation 2.0 ne sont pas toujours ceux qu’on croit, loin de là… Alors l’entreprise 2.0, c’est toujours le monde des Bisounours ?