La communication digitale expliquée à mon boss

LA COM DIGITALE CouvLe dernier ouvrage d’Hervé Kabla et Yann Gourvennec est sorti depuis un moment maintenant, mais je n’avais pas eu le temps de le lire. Somme impressionnante de réflexions, témoignages, il m’aurait été difficile ici de vous en dresser le tableau, tant il est vrai que la question du digital se complexifie de jour en jours. J’ai donc demandé à nos deux compères de se prêter au jeu de l’interview.

Pouvez-vous présenter en quelques mots ?

Yann gourvennec : j’ai une longue expérience du marketing, des systèmes d’information et de l’Internet. Je pratique l’Internet professionnel depuis 1995, et j’ai exercé les fonctions de directeur du digital pendant 10 ans environ. Je suis aussi l’auteur du blog Visionarymarketing.com et j’écris sur Internet depuis 18 ans.

Hervé Kabla : après une première carrière d’ingénieur, j’ai lancé une agence de communication digitale, pour accompagner les entreprises sur les médias sociaux, tant en stratégie qu’en animation et gestion de contenu. Blogueur depuis 8 ans, et contributeur régulier à Wikipedia.

Pourquoi une suite aux médias sociaux expliqués à mon boss

Justement, ce livre n’est pas exactement une suite au « médias sociaux expliqués à mon boss ». Il s’agirait plutôt un zoom arrière qui donne plus de perspectives au sujet des médias sociaux, qui à nos yeux, sont devenus un élément du mix indispensable à la communication digitale. Ce sujet de la communication digitale devient chaque jour plus crucial, les entreprises ont désormais intégré l’importance primordiale de ce médium, non seulement comme véhicule de communication pur, mais aussi comme un outil de pré-vente, de « pré-commerce » comme dirait Bob Pearson. Nous avons donc décidé de donner plus d’ampleur à cet ouvrage qu’au précédent, sans revenir sur les fondamentaux des médias sociaux qui n’ont pas véritablement bougé depuis deux ans. Ceci étant, les médias sociaux occupent une place de choix dans ce nouveau livre également.

Pourquoi un à quatre mains ? Écrire à deux : moins travail pour chacun, plus de complexité pour se coordonner et lisser le style ?

Ni l’un ni l’autre. Nous avons tendance à plaisanter en disant nous sommes les Erckmann-Chatrian du livre digital. Nous sommes capables de commencer une phrase et de la finir pour l’autre, et ceci dans les deux sens. D’ailleurs il y a des chapitres, quand on les relis, où on est incapable de me souvenir qui les a écrits, tant nos vues sont compatibles et en harmonie. Si nous travaillons si bien ensemble, ce n’est pas pour nous donner moins travail, mais bien parce que nous formons une bonne équipe et que nous avons aussi maintenant une grande habitude de travailler ensemble. Quant au style, il se trouve que nos deux styles se mélangent très bien, il est donc impossible de savoir qui a écrit quoi dans ce livre, comme dans le précédent.

Pouvez-vous donner une définition simple de ce qu’est le digital ?

C’est bien plus difficile qu’on croit, car c’est un défi de décrire simplement un sujet aussi vaste et complexe. Disons qu’il s’agit de l’ensemble des plates-formes, des techniques, des méthodes et des outils, sur une grande variété de supports digitaux (Internet, Web mobile, applications mobiles, écrans de signalisation etc.) destinés à renforcer l’expérience client, avant, pendant et après la vente. En gros, le digital, c’est l’utilisation continue de toutes les techniques en ligne, pour le renforcement de la marque.

Vous parlez beaucoup de management dans l’ouvrage, qu’est-ce qui est nouveau avec le digital par rapport au management que l’on a connu avant ?

C’est une triple révolution que le digital nous a imprimé dans les 15 dernières années. D’une part, une révolution de la structuration de l’information : grâce à l’hypertexte, qui fait que notre rapport à l’information, sa création, sa lecture et son utilisation sont radicalement différentes aujourd’hui. Il suffit de regarder l’évolution de la presse pour s’en convaincre. La deuxième révolution est une révolution sociologique : on ne dirige plus les entreprises, et c’est heureux, comme dans les années 50. À l’époque, le Boss donnait un ordre, tout le monde exécutait, les choses étaient claires, simples et précises, et seule une poignée de personnes était censées prendre des initiatives. Simple et précis, mais pas passionnant en même temps ! Ces temps-là sont fort heureusement révolus. Tout employé dans l’entreprise peut prendre des initiatives, suggérer un nouveau projet, lancer de nouvelles idées, inventer, créer et développer. L’émergence des « créatifs culturels » dans l’entreprise est un véritable bouleversement positif dans leurs organisations. Le troisième changement est lié au marketing lui-même, discipline qui aura bientôt 50 ans d’existence ! En un demi-siècle, le marketing a beaucoup évolué et s’est doté d’une myriade de spécialités (marketing éthique, marketing sensoriel, marketing participatif et surtout marketing digital et ses nombreuses subdivisions…) qui sont venues apporter d’autres manières d’aborder les choses. Il ne s’agit pas seulement de changer les méthodes, mais de transformer l’approche du marketing, plus éthique, plus respectueux, plus à l’écoute des clients et des utilisateurs. Le digital colle parfaitement à ces trois révolutions et en a été également l’instigateur.

C’est mon dada : pourquoi pas plus de place au réseau social d’entrepris dans cet ouvrage ?

Justement parce que c’est ton dada ! Nous n’avons pas voulu faire de redites sur des sujets qui sont traités déjà fort bien par des spécialistes comme toi. Nous avons voulu donner un éclairage un peu différent, sans reprendre l’exhaustivité du sujet. Le réseau social d’entreprise, dans ce qu’il est aujourd’hui et dans ce qu’il sera demain, reste et restera un sujet majeur du développement digital des entreprises. Nous n’en doutons aucunement. Nous y avons quand même consacré quelques pages assez fouillées dans ce livre. Mais rentrer dans le détail de ce sujet pour spécialistes serait à notre avis hors sujet par rapport à la tentative de regard à 360° que nous tentons d’apporter au travers de ce livre. Et aussi … il y a déjà beaucoup de contenu dans cet ouvrage qui s’apparente déjà à une « somme » du digital si j’en crois les tweets et les article de blogs vus ici et là.

Au chapitre 2 vous abordez la question du contenu, comment voyez-vous la notion de Newsroom pour laquelle de plus en plus entreprise semble chercher une solution ?

Nous ne connaissons pas de solution toute faite pour la conception et l’alimentation d’une newsroom, pour l’instant ces processus de gestions restent manuels. Avoir une newsroom est une bonne chose en soi, mais ne suffit pas, car cela ne met en avant, au final, qu’une seule forme discours, celui émanant de l’entreprise.

Vous parlez beaucoup de communautés, de la fin des Community managers, mais finalement pas directement de la notion d’ambassadeurs de la marque? Quelle est votre position sur ce sujet ?

La notion d’ambassadeur ou de champion de la marque est un sujet que je connais personnellement très bien pour l’avoir lancé il y a déjà très longtemps. Cela pour nous fait partie de l’ADN du travail de marketing digital notamment dans sa composante médias sociaux dans les entreprises. C’est un sujet à la fois évident, et en même temps très complexe, car même si les entreprises s’y intéressent toutes, la façon dont ce sujet est traité sur le terrain n’est pas toujours satisfaisante. Parfois il est traité de façon un peu coercitive, d’autrefois de façon trop lâche avec trop peu de suivi. Mais dans tous les cas, il fait partie des sujets à fort développement des prochains mois et années, et notez que notre travail ne s’arrête pas aux livres : il suffit de lire nos blogs, car c’est un sujet que nous traitons souvent bientôt, et pour ma part encore bientôt dans un article à venir sur Visionarymarketing.com

Vous abordez de nombreux sujets, plus ou moins techniques, mais le spectre est large. Peut-on aujourd’hui être directeur du digital quand on voit l’ensemble des sujets à maîtriser ?

C’est bien l’enjeu du recrutement des experts digitaux. Le besoin de recrutement dans le domaine digital se fait pressant, il suffit de se référer aux articles de Philippe Gérard de la CEGOS et de Jacques Froissant d’Altaïde ; et la nécessité se fait de plus en plus grande de recourir à des hyper spécialistes de domaines segmentés à l’intérieur du digital (le SEO, le SEM, le marketing automation, etc.). Le directeur digital, et son directeur de business unit aussi, doivent être capables de comprendre un minimum de choses dans l’ensemble de ces domaines. Mais il est certain que l’hyperspécialisation du digital rend difficile la maîtrise de chacun de ces domaines individuellement. Le but de ce livre n’est pas de former des hypers spécialistes de chacun de ces domaines, mais de donner la compréhension et le vocabulaire nécessaire aux managers, et aux gens qui sont chargés de les convaincre, sur un maximum des composantes de ce marketing digital.

Quand on finit un ouvrage, on avance sur sa réflexion et finalement on veut toujours changer des choses ; ce serait quoi pour celui-ci ?

Écrire un ouvrage sur le digital est à la fois très excitant et en même temps très frustrant. On a à peine fait sécher l’encre, que de nouvelles choses sont apparues, et que de nouvelles informations tombent sur les téléscripteurs à chaque seconde. Nous pensons qu’il faut prendre du recul par rapport à cela et ne plus essayer de changer le livre qu’on vient terminer, mais au contraire se projeter dans un ouvrage qu’on veut pérenne car le plus stratégique possible. Je pense que nous avions déjà atteint cet objectif avec « les médias sociaux expliqués mon boss », car quand on le relit 2 ans après, on s’aperçoit que beaucoup des choses qui y sont dites sont encore vraies, en dehors des contextes des exemples qui eux ont peut-être un peu vieilli … et encore ce n’est pas sûr. Pour celui-ci aussi nous nous plaçons au-dessus des modes, au-delà des idées reçues, nous offrons un décryptage stratégique de notre métier, à la lumière de notre expérience terrain.

C’est quoi le prochain ouvrage ?

En fait, nous avons déposé une marque autour de « expliqué(s/e/es) à mon boss ». Ceci n’apparaît pas encore sur le livre, mais nous ferons bientôt une modification à la couverture pour faire apparaître le « Trademark ». Cette conception d’un ouvrage expliqué à nos managers nous paraît particulièrement pertinente. À la différence des ouvrages pour les nuls, dont le titre, même s’il est assez éloigné de la vérité, a tendance soit à intimider le lecteur, soit à l’infantilisé, nous cherchons au contraire à responsabiliser le lecteur et à fournir un véritable outil de management. Avec un petit clin d’œil pour les Boss, mais qui n’est aucunement irrespectueux ; c’est juste un trait d’humour. D’ailleurs, nos livres sont toujours accompagnés de leurs slides qui permettent d’aller expliquer nos méthodologies et nos approches aux Boss en question. Ce concept peut être décliné pour tout un tas de disciplines dans ou en dehors du digital. J’ai quelques idées pour l’instant autour du marketing des TIC, de façon à remettre au goût du jour un document que j’avais écrit il y a une dizaine d’années, mais dont l’essentiel du contenu reste juste aujourd’hui. J’ai également un projet autour des « réseaux humains expliqués à mon boss », une évolution d’un article écrit il y a une dizaine d’années également, rappelant les fondamentaux des réseaux humains, souvent oubliés, et pourtant fondamentaux et sous-jacents de tout travail dans le digital. Ces textes ont eu une vie sur Internet, mais au travers des livres, c’est un autre public que nous visons et que nous touchons aussi au travers de notre partenariat avec le Medef, dont le Président Pierre Gattaz a signé la préface du livre.

 Merci à vous deux pour cet interview. Si vous avez encore des doutes, moi pas, je vous invite à consulter la table des matières et les schémas de l’ouvrage ici pour convaincre du sérieux de l’ouvrage