Livre : transformation digitale

transformation-digitale-livreCe n’est pas la première fois que je parle d’un livre de David Fayon rédigé avec un comparse ou à propos des mutations à venir du marketing. Mais celui-là, en collaboration avec Michaël Tartar m’intéresse particulièrement puisqu’il traite de transformation digitale (entreprise 2.0, social business), la thématique développée sur ce blog depuis des années.

La grande force de ce livre est de proposer un modèle d’évaluation de la maturité digitale de l’entreprise. Bien sûr il n’est pas le seul, comme celui d’Altimitergroup publié en 2013 (cité par les auteurs, ils en pointent d’autre aussi), mais ce dernier va plus loin dans le détail. En cela il peut-être assez ardue à lire d’une traite, mais il a le mérite de poser les principaux points (les cinq leviers du livre) et de rentrer dans les détails des mesures qui y sont liées. Même si je pense que parfois il va trop loin dans le détails des indicateurs (5 leviers, 22 critères, 70 sous critères, 117 indicateurs), car autant les entreprises américaines sont très friandes de ce type de KPI’s, autant les entreprises françaises mesurent moins leurs process de manière aussi précises et on peut craindre que certains lecteurs se perdent dans les détails, mais après tout qui peut le plus peut le moins.

J’aime l’introduction qui dès le départ mène le corollaire entre usages personnels et usages professionnels du digital. Ils sont bien souvent opposés dans le monde de l’entreprise, alors qu’ils sont le signal d’une certaine culture ou maturité qui doit se décliner dans le monde de l’entreprise. Je ne reviens pas sur la partie sensibilisation de votre management, nouveau rôle comme le chief digital officer, même si je ne partage pas totalement la vision des auteurs qui prennent pour modèle d’organisation un Facebook ou un Google. Par contre, je pense qu’ils ont raison d’insister sur le fait qu’aucun secteur ne va y échapper à plus ou moins long terme face à des nouveaux entrants purement digitaux comme Uber par exemple.

Rentrons dans le coeur de l’ouvrage, les cinq leviers :

  • Organisation : stratégie digitale, gouvernance, activité digitale, RH, management

Si ce levier sur le papier est pertinent (d’autant plus que les auteurs détaillent largement les différents critères inhérents) et utilisé par la majorité de consultants que je connais, on peut craindre que les entreprises n’iront pas aussi loin dans leur analyse. La stratégie s’arrête bien souvent à un discours marketing ou une vision assez floue. La gouvernance est assez réduite ou éclatée, en proie aux luttes politiques internes, ou quasi inexistante. Les activités digitales se résument trop souvent aux pages Facebook et comptes Twitter, les RH sont absentes de ce type de projet, à tord, quant au management il est, même si ce n’est pas totalement de sa faute, plus souvent un frein qu’un soutien. Ce qui n’empêche fasse à une réalité qui peut sembler assez dure, d’avoir là mis en exergue des points à ne pas manquer pour votre transformation.

  • Technologie : architecture, exhaustivité de la présence, respects des normes, continuité service, processus, outils de productivité

Je crois que là on risque de retomber dans les vieilles lunes de la DSI et s’enfoncer dans un blocage perpétuel. Sans aller jusqu’à, ayons une stratégie et l’intendance suivra (elle ne suit jamais, c’est un fantasme), je ne crois pas que ce levier doit être mis au même niveau que les autres. Surtout, il remet en avant le côté outil qui à mon sens n’est pas primordial, c’est un moyen, pas une fin comme c’est trop souvent le cas.

  • Personnel : formation, partage, ambassadeur

En effet, malheureusement les collaborateurs sont bien souvent la dernière roue du carrosse et ne sont pas assez pris en compte. Après je ne suis pas sûr que le niveau de partage des collaborateurs montre leur niveau de maturité, mais plus la culture de l’entreprise face aux usages collaboratifs. C’est pourquoi bien souvent les programmes ambassadeurs sont inexistants et rejetés par les entreprises, qui craignent ce type de dispositif, qui leurs semblent un risque et une perte de contrôle.

  • Produits et services : innovation, conception, distribution, marketing

Ces critères sont essentiels et trop souvent ignorés. Innovation et conception participative, pour les mêmes raisons qu’invoquer plus haut avec la peur de la perte de contrôle ou de temps, en font souvent un discours bien rôdé dans les entreprises, mais bien souvent une réalité plus timide. La distribution a été limité à une « vision e-commerce » et amélioration du parcours client par les auteurs (je résume un peu), alors qu’il me semble qu’au contraire tous les pans de l’économie collaborative se jouent autour de cette partie. Plus que du multi-canal ou un renforcement des canaux existants, on touche là à l’évolution du business model lui même.

  • Environnement : relations, réglementaire, normes, usages

Cette partie est sans doute pour moi la plus intéressante, car elle est bien souvent vu et vécu comme un frein par les acteurs du changement, sans pouvoir le dépasser. Au contraire les auteurs renversent la vision et montre en quoi ces problématiques sont liées au niveau de maturité de l’entreprise et font partie intégrante de l’approche. Pas pour avoir juste un go ou un no go, mais bien dans une vision de partenariat. Je dois dire qu’autant les autres leviers m’étaient familiers, autant ceux-ci en lien avec les normes et règlements me font repenser mon approche et mon angle de perception.

En guise de conclusion, un livre majeur sur le thème qui a demandé un travail important. S’il a l’avantage de montrer la complexité et la largeur de ce type de projet, il peut aussi faire peur et donner des arguments pour ne rien faire fasse à l’ampleur de la tâche. Peut-être qu’une hiérarchisation/modération de certains leviers et critères auraient aidé un lecteur plus néophyte (facile à dire après coup bien sûr). Car au final des fois « less is more » au moins le temps de se lancer, avant d’aller plus avant de ce type de projet où là cet ouvrage prendra tout sens et déploiera toute sa valeur ajoutée. En soutien vous trouverez aussi un site de partage d’expérience.