Et si on parlait de marketing RH

Marketing_RH_largeBien que ce soit un domaine où j’interviens, la marque employeur (même si le spectre de l’ouvrage est un peu plus exhaustif), c’est la première fois qu’il m’est donné l’occasion de lire un livre sur le sujet. Son titre, Marketing RH. A La manoeuvre des gens que je connais bien, pour avoir travaillé avec eux, fais des conférences, les avoir dirigé dans des livres blancs… Franck La Pinta et Vincent Berthelot.

Je parle rarement du style des ouvrages que je chronique, mais là je dois dire que je leurs tire mon chapeau. L’exemple le plus frappant sont les parties 1 et 2 qui reviennent sur la genèse du web, des outils, de cette culture, de son impact… Passage obligé de tous les ouvrages sur les médias sociaux, cela revient souvent à un catalogue descriptif, et là pas du tout. Prise de hauteur, ouverture, vision, intéressant. De même, les exemples à lire ne sont pas toujours ceux qu’on voit (même s’il y a les éternels  comme KitKat) et ils viennent de tous les horizons. Donc au-delà du fond, la forme est à souligner. Pour le reste je donne la parole aux auteurs qui m’ont fait le plaisir de répondre à cette interview.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

VB : Agitateur de performance sociale RH ! Mon parcours m’a persuadé que des RH innovants, empathiques, non rebutés par la technologie pouvaient changer une entreprise la transformer, donner du sens et parfois du plaisir aux employés. J’essaie de transmettre cette conviction dans mon travail, mes interventions et mes écrits.

FLP : Je suis Responsable de la stratégie digitale et de la communication externe pour les RH du Groupe Societe Générale. Cette position est un poste de surveillance privilégié pour réféchir la façon dont les entreprises sont impactées par le digital, et comment les RH accompagnent cette transformation.

Pourquoi un livre à quatre mains ? Écrire à deux : moins travail pour chacun, plus de complexité pour se coordonner et lisser le style ?

VB : Une formidable occasion de renforcer des liens amicaux, cognitifs et d’être en accord avec notre message que la collaboration c’est l’avenir de l’entreprise ! Ce livre a vraiment été écrit à 4 mains et dans le cloud dans une interaction permanente et revigorante.

FLP : En plus de l’envie de rédiger un livre ensemble qui nous trottait depuis un moment, c’est d’associer nos deux profils complémentaires pour écrire un livre qui soit vraiment équilibré sur ce sujet, un sujet qui est une des problématiques majeure des entreprises actuellement. La plupart des livres qui abordent ce sujet présente une faiblesse soit sur le volet marketing, soit sur le volet RH.

– Pourquoi un livre sur le marketing RH ?

VB : C’est une révolution en marche car derrière ce titre c’est bien la transformation digitale de nos entreprises que nous abordons au travers de ces différents process avec une focale sur le rôle des RH.

FLP : Comme je le disais, la transition numérique des entreprises est un sujet essentiel aujourd’hui. Toutes les entreprises s’interrogent sur la manière de faire évoluer leur business model, avec plus ou moins d’anticipation par rapport à ce qui arrive sur leurs marchés. Les RH ont un rôle essentiel à jouer pour inventer ce nouveau modèle d’entreprise, mais elles ne peuvent le faire qu’en réalisant leur propre mue digitale. Cette mue digital passe nécessairement par une réflexion marketing.

– A qui s’adresse cet ouvrage ? Car final si on peut suivre une méthodologie/parcours au niveau macro, on ne retrouve pas complètement le côté boite à outils micro qui définit généralement ce type de littérature.

VB : Cet ouvrage s’adresse aussi bien aux personnes en responsabilité de ces transformations actuellement qu’aux étudiants qui le seront demain. La boite à outils revient à donner un marteau et au risque de voir des clous partout… Nous avons opté pour le parti pris de poser le contexte de cette transformation, ses enjeux, ses applications par grands process internes et externes sans développer le détail des interventions pour chacun d’entre-eux. Nos blogs respectifs avec Franck abordent souvent ce niveau micro et nous pensons que les contextes sont tellement différents que chacun doit aussi trouver son propre chemin ou se faire accompagner plus directement.

FLP : Je rajouterai juste un élément sur ce que vient de dire Vincent : la tentation majeure de ces projets de transformation numérique, c’est de se focaliser sur des outils, car cela fait croire à des réussites rapides et visibles. Or l’empilement d’outils, même s’il peut être rassurant pour l’entreprise et facile à vendre pour un prestataire, ne fait jamais une stratégie. Donc plutot qu’écrire un énième catalogue des outils, nous avons choisi d’ouvrir des voies, de susciter des réflexions, de donner quelques grands repères.

– Pouvez-vous donner une définition simple de ce qu’est le marketing RH ?

VB : La capacité de l’entreprise d’améliorer ces process RH internes et externes et de partager cette performance efficacement pour créer de l’attractivité et de la satisfaction.

FLP : le marketing RH, c’est appliquer aux RH la méthodologie marketing, c’est-à-dire s’interroger sur les besoins de ses cibles internes et externes, afin de bâtir une offre RH qui réponde à ces attentes, tout en intégrant les objectifs de l’entreprise. C’est parvenir à réconcilier l’économique et le social, les aspirations individuelles et l’ambition collective.

– Vos 2 premières parties portent sur un monde qui change et son impact sur les entreprises. Pensez vous que les entreprises soient aussi « en retard » que ça pour devoir revenir sur ce qui peut sembler un basique à l’heure actuelle (le web 2.0 c’est quand même 2003) ?

VB : Absolument, j’engage tout le monde à relire The Cluetrain Manifesto qui date de 1999 pour comprendre que nous sommes encore bien en retard. Nous avons une fausse compréhension souvent basée sur la technologie d’un changement de paradigme sociologique. Le rapport au travail, les manières de travailler, les attentes des salariés comme des candidats et plus largement des citoyens sont des changements profonds qui bousculent peu à peu les entreprises mais aussi les partenaires sociaux et pourtant les digital native sont encore en minorité, attendez demain !

FLP : Ces deux premières parties nous semblaient indispensables pour remettre à sa juste dimension l’ampleur du digital et de ses impacts. Et expliquer que le digital s’immisce dans toutes les dimensions de la société civile, et de l’entreprise. Les entreprises doivent prendre conscience que la révolution numérique est de même ampleur que l’industrialisation du 19 eme siècle ou l’informatisation du 20 eme. A la seule différence que pour ces deux révolutions, elles étaient maitre du calendrier. Aujourd’hui c’est leur environnement concurrentiel, les nouveaux usages de leurs clients et de leurs collaborateurs qui imposent le rythme.

– On voit qu’il y a eu un vrai shift culturel sur la relation recruteur/recruté. Pensez vous que ce shift est vraiment un enjeux en temps de crise, ou la loi de l’offre et la demande réduit ce shift ?

VB : Recruter n’est pas le problème mais recruter la bonne personne qui a à la fois les compétences et des valeurs compatibles avec celles de l’entreprise est bien plus ardu. Si vous rajoutez ce qui devient une tarte à la crème par répétition mais demeure une réalité, la chasse des talents, vous avez en effet tout intérêt à comprendre comment rentrer en contact avec vos cibles, avoir un dialogue productif et identifier ceux qui pourront rejoindre votre entreprise et s’y épanouir tout en étant performant.Cela est vrai pour les grandes entreprises comme pour les PME, TPE ce qu’on oublie un peu vite parfois.

FLP : la problématique du recrutement, l’inadéquation entre l’offre et la demande, entre la promesse RH et la réalité vécue dans l’entreprise est un enjeu majeur. Croire que les tensions liées au chomage ou à la crise permettent de faire l’économie d’une remise en cause sur sa responsabilité en tant qu’employeur est une faute grave. D’abord car l’engagement des collaborateurs devient essentiel dans l’économie du savoir, ensuite car cet engagement à un impact direct et immédiat sur la qualité du service apporté au client. Enfin, les entreprises seront de plus en plus attendues par leurs clients sur leur attitude vis-à-vis de leurs collaborateurs.

– Quand on parle de marketing, cela fait pas mal penser à l’externe, pourtant tout au long de l’ouvrage vous parlez de l’interne, des collaborateurs. En quoi est-ce une donnée essentielle ?

VB : C’est l’une des raisons qui a amené Franck à me proposer cette collaboration car nous croyons tous les deux que la marque employeur n’est que la partie émergée de l’iceberg. Si celui-ci n’est pas solide en dessous votre iceberg disparaitra rapidement ! La transparence, la cohérence, l’importance de tenir ses promesses nous semblent des critères de réussite du marketing RH. Nous nous sommes d’ailleurs inspiré de Vineet Nayar et son livre “Employees First, Customers Second: Turning Conventional Management Upside Down” en l’appliquant à la marque employeur : Employee first, job applicant second

FLP : Je parlais à l’instant des livres “catalogue”. La marketing RH est trop souvent réduit à la communication de recrutement. L’enjeu des RH, c’est de comprendre qu’elles doivent répondre à une cible : les collaborateurs. Elles doivent donc adapter leur organisation, faire évoluer leurs compétences, leurs méthodes de travail, bref se mettre dans une posture de service pour maximiser la satisfaction des collaborateurs. Demain, les consommateurs-cityens seront de plus en plus exigeants sur les conditions sociales de délivrance d’un service, comme nous le sommes déjà aujourd’hui sur les composants et les conditions de fabrication d’un produit.

– Dans votre conclusion vous expliquez que les équipes RH doivent être les acteurs principaux de ces changements, pourtant de mon point de vue (ou quand on voit des enquêtes) elles sont pas toujours les plus matures dans l’entreprise sur ces sujets. Partagez vous cet avis, et comment cela s’explique-t-il ?

VB et FLP : Les RH ne travaille pas assez avec les agences de Com. Plaisanterie mise à part si nous voyons aujourd’hui la DSI et la Com se positionner sur ces sujets c’est en partie pour les raisons évoquées en début du billet : un changement qui reste technologique ou de surface. Le véritable changement qui conduira à une transformation des entreprises ne pourra se faire que sur les mêmes bases que ce livre, le respect et la coopération entre les différents acteurs de l’entreprise. RH, COM, DSI, Marketing… réunis dans un digital board avec une vision partagée

A un moment ou à un autre les RH devront participer à cette transformation plus activement car elle touche des domaines clefs commes la formation, le management, le dialogue sociale, les risques psychosociaux, l’engagement des salariés. C’est simplement dommage de prendre ce retard et parfois ces faux départs qui condamnent par exemple des initiatives de réseaux sociaux par manque de soutien et d’implication de l’ensemble des acteurs majeur de l’entreprise.

РQuand on finit un ouvrage, on avance sur sa r̩flexion et finalement on veut toujours changer des choses ; ce serait quoi pour celui-ci ?

VB et FLP : Cela viendra certainement plus tard mais là nous sommes avant tout heureux de partager ce travail qui s’appuie sur des années d’expériences et plusieurs mois de rédaction collaborative. Et puis la sortie de ce livre nous donne l’opportunité d’échanger encore plus avec les entreprises. Aujourd’hui plus encore que quand nous avons entamé l’écriture, nous sommes sollicités par des équipes RH qui s’interrogent sur ce double challenge : comment transformer les RH et comment aider l’entreprise à se transformer ?

J’espère que cette interview vous a donné l’occasion de comprendre ce qu’ont voulu nous faire partager Franck et Vincent et que cela vous a convaincu d’acheter leur livre.