Management 2.0 : l’intranet collaboratif de Dassault Systemes

DassaultSystemesCATIA Vendredi dernier Marc de Fouchecour m’a invité (encore merci) aux Arts & Métiers Paristech pour échanger avec Tarik Lebtahi le maître d’oeuvre de l’intranet 2.0 de Dassault Systemes (entreprise dont j’ai déjà parlé ici). Vous retrouverez les échanges sur twitter autour de cette conférence avec #sysico14.

Cela a été un moment très riche, tant par l’enthousiasme dont Tarik a fait preuve, que par la diversité des supports qu’il nous a présenté et l’intérêt des échanges.

Ce billet fait suite en quelque sorte au retour d’expérience sur SFR, dont j’avais parlé ici. Là encore plus que l’intranet en tant que tel, c’est bien aux usages que je vais m’intéresser. D’ailleurs, nos échanges avec Tarik ont beaucoup plus porté sur ce sujet, que sur les différents briques (entièrement développées en interne) qui composent cet intranet (3D, forum, blog, wiki, video…). Cela est sans doute normal, car d’après lui, les usages collaboratifs étaient déjà présent dans la culture de l’entreprise/collaborateurs, avant la mise en place de cet outil pour les 8000 collaborateurs du groupe.

Tarik a commencé son exposé en mettant l’accent sur le caractère humain du projet, pour le citer il a avant tout parlé « d’une aventure humaine ». D’ailleurs, la grande différence entre un intranet 1.0 et un intranet 2.0, c’est que dans le premier je trouve de l’information, dans le second je vois avant tout des personnes (avec leur réseau de contacts et les informations qui y sont associées).

De fait, Dassault est passé d’un intranet 1.0 top-down à un intranet 2.0 ouvert, axé sur les communautés (échanges ascendants et transverses). Chacun peut y ouvrir une communauté sur différents thèmes (le thème ne doit pas exister déjà au sein d’une communauté et doit intéresser un minimum de monde de manière transverse), allant de projets transverses de R&D à la question « Ã©pineuse » des transports à Vélizy (lieu du siège).

Le maître mot étant « usage ». Une vrai volonté de partir des usages et besoins des collaborateurs (travail important sur l’ergonomie, la simplicité et la convivialité des interfaces), avec un développement et une intégration de nouveaux outils de manière progressive et à la demande. La personnalisation permet à chaque collaborateur de construire lui-même sa page, en fonction de ses besoins.

Il est intéressant de voir que le top management (y compris le président Bernard Charlès) a tout de suite été convaincu de l’utilité d’un tels outils et a soutenu les équipes de développement. Pour les convaincre il n’a pas été question de ROI (courbe, tableau…), mais plutôt de montrer du rêve et des possibles (storytelling on y revient encore et toujours). C’est un véritable sponsorship qui s’est développé dès le début permettant un développement rapide et innovant de la plateforme.  La réflexion a rapidement porté sur l’organisation et la transformation de l’entreprise pour répondre aux défis à venir.

On retrouve la problématique d’entreprise en réseau, qui profite de ses richesses internes, devient plus agile et rapide dans son fonctionnement. Ce fonctionnement en réseau ne remet pas en question le modèle hiérarchique et les managers en général (c’est toujours le top qui décide). Mais il met à mal le principe de micro-management et devrait faire évoluer les usages managériaux, tout simplement par la meilleur circulation de l’information et les échanges transverses.

Si Tarik fait office de « responsable des communautés », chaque collaborateur ayant ouvert une communauté a la charge, avec d’autres, de développer/animer sa communauté. Ainsi ils deviennent tous des community managers. Les communautés ne sont pas organisées selon un modèle hiérarchique, mais en réseau et de manière ouverte (chacun peut voir sur la page d’accueil les communautés existantes).

En effet, cela permet de capitaliser de manière rapide. Je travaille sur un thème, le moteur de recherche va me remonter toutes les contributions des communautés sur ce thème. J’ai donc ainsi accès aux informations, documents et experts dont j’ai besoin. L’ensemble de la plate-forme est communautaire et toutes les publications peuvent être commentées, notées et enrichies… Au delà d’une recherche personnelle, quand une question métier se pose, 90 % des réponses sont données par les pairs. L’idée de partage est centrale (et en plus elle fonctionne) et plus on partage, plus on passe d’une logique du « c’est à moi » à une logique du « c’est à nous ». La communauté facilitant la création et le développement de ses propres réseaux, elles sont à l’origine d’un nouveau modèle d’entreprise.

De plus, on développe ainsi petit à petit une e-reputation interne sur son expertise à travers son réseau… D’ailleurs la partie annuaire sociale (expériences passées, personnelles et réseaux) enrichie l’entreprise et doit être valorisée. Connaître le parcours des collaborateurs permet d’enrichir les équipes et les projets. Dans un certain sens, recruter quelqu’un ce n’est pas recruter une personne, mais un réseau de personnes.

Si pour le moment aucun processus officiel ne semble mis en place pour lier le travail effectué par les collaborateurs dans les communautés et le parcours professionnel (évaluation de fin d’année, gestion/évolution de carrière), il semble difficile de ne pas en tenir compte rapidement (même si cela est sans doute déjà le cas de manière officieuse).

Alors Dassault Systemes est-elle le Cisco français (j’entend par là un modèle d’entreprise 2.0) ? Il est dommage que sa communication sur ce thème ne soit pas plus importante. Même si en l’occurrence ce billet repose sur la richesse des échanges que nous a offert Tarik.