Entreprise 2.0 : gouvernance et management

La semaine dernière sortait le livre blanc sur l’entreprise 2.0 que j’ai eu le plaisir et le privilège de coordonner. Au delà de ce travail de coordination et d’introduction au sujet, j’ai rédigé la partie sur la gouvernance et le management. Voici le fruit de mes réflexions.

De la gouvernance dans l’entreprise 2.0

Quand on rencontre des responsables d’entreprises, dans le cadre d’un projet de travail collaboratif, l’idée que « collaboratif = anarchie ou autogestion » revient souvent (même si cette « peur » diminue). Le rôle du top management ne disparaît pas, il va valider les processus collaboratifs de fonctionnement et le périmètre de la collaboration : interne, clients, partenaires… Même si on peut constater une autonomie plus importante : cela veut dire aussi liberté et moyens « de faire ». Mais il est toujours là pour fixer la stratégie et les objectifs de l’entreprise.

Pour développer le travail collaboratif dans l’entreprise, le top management se doit d’être plus qu’un sponsor, il doit aussi être exemplaire dans son attitude et son application des principes collaboratifs. Cela se concrétise notamment par une plus grande agilité (réduction des temps de décision en phase avec l’opérationnel et/ou le terrain liés aux feedbacks), un décloisonnement et une transparence liés à une plus grande fluidité de la circulation de l’information. On peut parler d’organisation intégrative. La grande différence avec une organisation classique est donc une plus grande écoute des dirigeants et l’empowerment des collaborateurs. De fait, le top management doit être plus focalisé sur le sens et les résultats, que sur un micro-management des équipes.

Il y a donc bien une réduction de la pyramide au profit d’une organisation plus horizontale (reposant d’une part sur les notions d’identité des acteurs et d’autre part de multi-communautés). Il est illusoire, comme le rappelle John Chambers, le CEO de Cisco, de penser qu’il dirige seul 66 000 collaborateurs. C’est pourquoi il faut réduire le côté bureaucratique et rigide de l’organisation lié au modèle pyramidale des organisations classiques (délégatives comme les appelle Henry Mintzberg). D’ailleurs cette « transmission » de la vision et sa réception peut se faire de manière directe, à travers le blog du PDG ou plus largement sur une plateforme collaborative avec la possibilité pour les collaborateurs de réagir et dialoguer.

Si la gouvernance évolue dans la mise en place d’une entreprise 2.0 ou organisation collaborative, de fait les modes de management doivent aussi évoluer.

Du management 2.0 dans l’entreprise

Quand on parle de travail collaboratif en entreprise, tout de suite le terme community manager est prononcé. Si la création de communautés est l’une des principales incarnations du travail collaboratif, il n’en demeure pas moins que le management traditionnel continue d’exister : le « modèle du manager 2.0 » n’est pas uniquement celui du community manager. Pendant longtemps (c’est souvent encore le cas), le manager était celui qui détenait l’information et la transmettait à ses équipes, sur le modèle information = pouvoir. Alors qu’attendre de ce manager « nouvelle génération » ?

Tout d’abord il doit instaurer la confiance dans ses équipes. Cela veut dire une libre expression et des échanges, qui doit mener à du management participatif, à savoir des prises de décisions collectives par l’ensemble de l’équipe et donc au final plus d’engagement. Evidemment, ce rôle de manager ne doit pas être uniquement conçu dans un rapport de pouvoir et de hiérarchie. C’est donc plus un rôle d’animateur ou facilitateur que le manager va jouer. En effet, dans tout groupe humain il y a parfois des tensions, des choses à résoudre, et celui qui est au-dessus de la mêlée peut aider à faire avancer les choses. Si le management est participatif, on peut supposer aussi que le niveau de délégation au quotidien est important. En effet, le manager est là pour faire grandir ses équipes et atteindre des résultats. Il s’agit donc de conduire ses collaborateurs dans la direction souhaitée par l’entreprise et leur donner les moyens de leur autonomie afin qu’ils puissent grandir individuellement mais aussi collectivement. Cela veut dire être là en soutien, donner un conseil ou aider en cas de besoin. Le temps qu’il dégage ainsi lui permet de prendre le temps de faire grandir son équipe, prendre le temps de la réflexion pour donner du sens à l’action et surtout distinguer les priorités pour les hiérarchiser (important/urgent).

Mais plus que la distribution de tâches à effectuer, il développe la volonté de ses équipes à travailler de manière collaborative et leur donne les moyens de travailler de manière collaborative (savoir et pouvoir).  Il va être un promoteur. C’est lui qui va faire le lien avec son n+1 ou n+2 pour promouvoir le travail de ses collaborateurs, aider à mettre en valeur les réalisations personnelles et collectives de son équipe. Même si dans un système en réseau, on est beaucoup plus proche d’un « personal branding interne » qui va forcément jouer sur la réputation du collaborateur au sein de l’entreprise.

Cela renvoie tout simplement à quelques notions-clés qui sont :

  • le respect au lieu de la domination
  • La confiance au lieu de la discipline
  • la transparence au lieu de l’opacité
  • le collectif au lieu de l’individuel
  • La valorisation au lieu de l’appropriation

Cela n’a rien de nouveau, en effet, tout comme le travail collaboratif ou les communautés (on a pas attendu le web 2.0 pour cela). Mais beaucoup de managers s’inquiètent pour leur statut dans le cadre d’une organisation collaborative. En effet, si leur rôle évolue, leur comportement va devoir aussi évoluer. Etre un manager, ne veut pas dire faire preuve de leadership. Et pourtant dans le cadre d’une organisation collaborative, les managers vont surtout devoir faire preuve de leadership. C’est-à-dire passer de compétences managériales à une posture. Les managers vont devoir répondre notamment à deux défis, souvent inhabituels dans les organisations traditionnelles : savoir coordonner sans centralisme et savoir animer sans hiérarchie.

A travers ces deux piliers, on retrouve notamment les problématiques d’un management de projet ou transverse. Pour cela, et afin de permettre à chacun de développer son potentiel, il va falloir insuffler principalement 3 choses :

  • Un sentiment de liberté, en acceptant de lâcher prise et « perdre » le contrôle
  • Un sentiment de communauté, en renforçant le sentiment d’appartenance
  • Un objectif de sens, afin que les collaborateurs puissent s’investir pleinement dans leur travail.

Par cette posture de leadership, le manager va devenir un catalyseur qui inspire ses collaborateurs. Il libère l’énergie des collaborateurs, sait trancher ou trouver un consensus quand cela est nécessaire. Cela veut dire accompagner ses collaborateurs en faisant preuve d’esprit d’ouverture, mais aussi leur permettre de grandir en leur accordant le droit à l’erreur (donc déléguer), sans lequel la confiance et la prise de risque n’est pas possible. Il faut créer un environnement favorable au succès de l’individu.

Cette partie fait souvent peur aux managers. Ils craignent le regard de leur supérieur et de leurs collaborateurs. La délégation ne réduit pas l’autorité, elle n’empêche pas la reconnaissance du supérieur et des collaborateurs, au contraire. Faire preuve de reconnaissance et de soutien motive les autres. Le but d’un manager est d’organiser et de développer une équipe. On vous juge sur votre animation d’équipe, pas sur votre capacité à faire. Comme le disait Peter Drucker : « 90% de ce que nous nommons le management consiste à compliquer le travail des collaborateurs. Dans un nouveau monde de management, je vois l’employé gérer sa charge de travail et demander un soutien à un coach quand il en a besoin ».

En guise de conclusion

Certains managers ne sauront ou ne voudront pas faire cette « révolution culturelle ». Ce rôle n’est pas forcément fait pour eux, car il est parfois trop éloigné de leur histoire et leur culture. Il s’agit donc d’impliquer le management et de lui ouvrir des perspectives. Plus les managers seront impliqués tôt, moins ils auront l’impression d’être « la dernière roue du carrosse » et seront ouverts à ce changement. Les managers doivent jouer un rôle dans ce changement culturel et ainsi être reconnus pour ce travail d’apport à l’entreprise collaborative. De plus, ces managers vont être les principaux relais dans la mise en place de communautés ou de travail collaboratif dans votre organisation. Comme cela a été dit plus haut, cette entreprise 2.0 est intégrative, il ne s’agit donc pas de laisser des managers au bord du chemin. Pour ceux qui ne pourraient pas s’adapter, l’entreprise se doit de les diriger vers d’autres rôles, comme celui d’expertise par exemple.