Dans le billet de la semaine dernière, une des slides montrait que vos collaborateurs étaient au centre des process de votre entreprise, notamment dans le cadre d’une démarche collaborative.
Le livre de Vineet Nayar CEO de HCLT, les employés d’abord, les clients ensuite, revient sur cette idée, à travers la transformation de son entreprise. Il démontre concrètement comment cela a fonctionné pour lui permettre de transformer son entreprise et devenir une des leaders de son marché.
Les derniers livres dont je vous ai parlé sur ce blog étaient plutôt des boites à outils (tendance française actuelle), là on revient à du storytelling pur et dur, avec tous ses codes, comme l’explication des décisions à travers un parcours de vie et des expériences intimes en dehors du monde de l’entreprise (course automobile, ferme avicole…). Vineet nous raconte une histoire, un succès. Ca change et c’est aussi bien agréable à lire. Peut-être que ce stylese prête mieux aux questions de management….
J’ai apprécié ce livre pour deux raisons principales :
- on parle management, organisation et très peu outils, bref ce qui compte vraiment dans une démarche collaborative (c’est ce que je vais développer dans ce billet)
- c’est une vision qui n’est pas occidentale (même si son leader est imprégné de cette culture), cette entreprise est indienne
De plus en plus d’entreprises déploient des programmes collaboratifs à travers le monde. Conséquence, la question du management inter-culturel se pose. J’avais déjà abordé ce problème ici, après m’être rendu en Chine pour un client. Ce livre montre que les problématiques sont sensiblement les mêmes en Occident et ailleurs (sans aller jusqu’à parler de copier-coller bien sûr, il demeure tout de même des spécificités culturelles), le management étant souvent inspiré par des business school internationales et le marché étant mondial. Même le concept de génération Y semble trouver échos à ce constat.
Venons en au coeur de l’ouvrage, le management et l’organisation. Pas question d’outils (la transformation a reposé sur des forums et des répertoires partagés, rien de révolutionnaire), ce sont les hommes qui ont fait la différence, comme toujours au final.
Premier point la confiance. C’est incontournable pour tout type de projet de transformation, encore plus quand on parle de collaboratif. En conduite du changement, on considère qu’il y a deux types de transformation : progressive ou disruptive (certains considérant même que le premier type n’est pas vraiment une transformation). Dans le cas qui nous concerne, qui est de nature disruptive, la confiance est un pré-requis obligatoire. Je sais ce que je perd, mais vraiment pas ce que je gagne. Pour accepter la vision que l’on m’offre, il faut vraiment que j’ai confiance dans mon organisation et mes collègues, pour qu’elle fasse sens.
Vineet considère qu’elle repose sur 4 piliers, sans parler de la transparence qui est une condition sine qua non :
- crédibilité (liée à une expertise ou au moins à une reconnaissance)
- fiabilité (vérifiable à travers des actions et expériences communes)
- intimité (il y a une part d’émotionnelle)
- motivation personnelle (chacun voit midi à sa porte)
Au cours de nombreuses réunions, débats, déplacements, où chacun se met à nu, Vineet va s’efforcer de créer les conditions de cette confiance. Comme souvent en cas de conduite du changement, on retrouve trois groupes d’invidus. Les motivés (qu’il appelle les transformateurs), les opposants (oui mais…) et la grosse majorité d’indécis. Pour aller plus loin, un intranet, présentant les résultats et informations dont disposent chacun, est mis en place. Ce partage de l’information va permettre à chacun de pouvoir réagir plus vite, mais aussi mettre en lumière l’inutilité de ceux qui ne doivent leur rôle qu’au contrôle de l’information. Bien sûr, il y a eu des problèmes, mais ils ont été largement compensés par les gains produits. Cette démarche a été poussée pour permettre à chaque collaborateur de poser des questions à la direction. Bien sûr il ne s’agit de dire que la direction a réponse à tout, mais communiquer pour combattre ragots et autre « radio moquette ».
Là encore l’expérience a été poussée plus loin, montant une place de marché où chaque collaborateur peut faire part d’un problème, une interrogation, une demande d’aide, le but étant bien entendu de résoudre les problèmes posés par tous, pas uniquement les exposer. Poussant encore la logique jusqu’au bout, le PDG Vineet a lui aussi commencer à poser des questions, soumettre des problèmes à tous, partant du principe que ses collaborateurs pourraient lui apporter des réponses aux problèmes qu’il ne parvient pas à résoudre, renouant avec l’expression « We are smarter than me », en gros on est plus intelligent à plusieurs que seul. Tout cela a finit par débouché sur la création de communautés d’intérêt, y compris des communautés ne portant pas sur des sujets business, toutes étant productrices de valeurs pour l’entreprise au final.
Dernière innovation, une espèce de 360° élargie qui ne porte pas sur les zones de contrôle des managers, mais sur leurs zones d’influence, c’est à dire plus loin que leur collaborateurs directs, mais bien partout où leurs décisions peuvent avoir un impact (je ne développe pas, cela mériterai un article en soi).
Cette transformation a eu pour effet de répondre à trois problématiques liées entre elles :
- Le top management est souvent trop éloigné des lieux de création de valeur pour pouvoir réagir avec le bon niveau d’information
- Une trop forte hiérarchie empêche toute forme de réactivité, l’information mettant trop de temps à remonter
- Le top management doit donner les moyens à ceux qui possèdent le savoir de pouvoir prendre les décisions de manière autonome
Cette transformation conduite à un niveau mondial a eu pour effet d’inverser la pyramide organisationnelle. Peut-on parler d’autogestion ? Vineet le pense, pour ma part j’en suis moins sûr au regard de ce que j’ai lu. Le management est participatif, collaboratif, une partie du centre de décision ayant été transféré vers l’opérationnel. Mais on parle bien d’opérationnel, les décisions stratégiques demeurent à la main de Vineet et de son équipe, même si elles s’appuient sur les informations et suggestions des collaborateurs. Ce système repose en grande partie sur son leadership, sans ce leader point de transformation. Ayant combattu ce phénomène, essayant de rendre le PDG « inutile », reprenant la vision du Confucianisme du bon empereur au bras ballant, il ne peut pas reconnaître que malgré tout qu’il est l’épicentre du système. Il porte une vision qu’il a réussit à partager et qui se nourrie des apports de ses collaborateurs. On tout de même loin de l’assemblée générale permanente et de la coopérative ouvrière (ce qui n’est pas une critique, mais un constat). On est dans une logique de management participatif poussé à son maximum, incluant les collaborateurs et les clients (sujets que je n’ai pas abordé dans ce billet) grâce à un leader.
A lire !