Vendredi dernier je vous parlais de gamification et certaines questions qui pouvaient se poser autour de ce concept. Questions autour de l’abus de l’usage de ce terme à la mode. Là plus que la pertinence du terme, je voudrais aborder la question des dérives possibles de ce type de processus visant à amener les collaborateurs à plus s’engager. Entre un engagement volontaire et un obtenu de manière plus insidieuse, le résultat n’est pas vraiment le même. Car derrière certaines mécaniques qui se veulent amusantes, se cache tout de même un moyen de notation et là …
Si notation n’est pas synonyme d’évaluation, elle peut très bien produire un fort biais dans la vision d’un collaborateur par son manager et sur son évaluation annuelle. Bien souvent derrière ce type de processus ont retrouve un système de points, lié à une action sur le réseau social de l’entreprise (production de contenu, vote, commentaires…). On risque d’aller vers la facilité et de ne pas regarder ce qu’à fait réellement de manière qualitative le collaborateur, mais s’arrêter au score. Le nombre de managers qui courent et qui n’ont pas le temps de faire grandir leurs équipes, qui ne préparent pas vraiment les entretiens avec eux, peuvent choisir le chemin de la facilité et s’arrêter à un score (même si celui-ci est compensé de manière plus qualitative par une notation en retours d’autres collègues qui votent pour leurs articles, les commentent…). On en revient quand même à une simplification de l’action des collaborateurs à un chiffre au lieu d’avoir une vision plus large de leur implication au sein de l’entreprise via le RSE qui permet de mieux appréhender l’action des collaborateurs au quotidien. Surtout que leur action peut-être plus ponctuelle et plus efficace pour régler un problème que d’autres qui vont passer leur vie sur le réseau avec une valeur ajoutée moindre.
Si on parle de score, on arrive généralement à l’idée de niveau, avec des qualificatifs de type néophyte, débutant, confirmé, expert… Là encore, je ne suis pas sûr que l’expertise de quelqu’un se limite à un badge qui pourrait donner des discussions sans fin avec un manager autour de l’expertise, la reconnaissance. De plus, quand je vois certains cabinets de consultants qui régulièrement affichent dans les couloirs les « fast trackers » et « low trackers » histoire de mettre un peu plus la pression à leurs collaborateurs, est-ce qu’un principe de leaderboard ou classement général sur le réseau ne risque pas de revenir au même, mais en encore plus pernicieux.
C’est pas la direction, c’est le RSE et puis c’est juste pour le fun…
La pression social de mes pairs peut-être tout aussi forte, voir plus que celle de ma hiérarchie. J’en veux pour exemple Google ou l’ensemble de mes pairs peut voter pour mes projets et j’ai des points si je suis sympa et souriant avec mes collègues… Et elle le sera d’autant plus si mon manager pressé s’appuient aussi dessus.
Entendons-nous bien je ne suis pas contre l’automatisation et je crois que les RSE, couplés avec un SIRH peut participer pleinement à la gestion des talents en entreprise. Mais tout comme il est encore difficile de facilement mesure l’impact et le ROI d’un RSE sur les processus métier, il est tout autant difficile de le faire pour quelqu’un. Et dans ce cas, on va vers le plus évident, qui n’est pas forcément le meilleur. Puisqu’on va travailler différemment, notre évaluation de notre performance doit aussi être différente. Pas sûr que la gamification nous aide à aller dans ce sens là et qu’elle ne serve pas d’excuse à plus de pression au final sur les collaborateurs. Là encore c’est un outil et c’est ce que j’en fais. Il ne remplace pas une approche RH de ces questions et une vision du fonctionnement de mon organisation.