Pour une définition (beta) de l’entreprise 2.0

Nous avons publié sur ce blog plusieurs billets autour du concept d’entreprise 2.0, mais finalement sans jamais vraiment prendre le temps de s’arrêter pour donner une définition, ou plutôt une vision, à ce terme complexe et mouvant. D’où l’idée de définition (beta ou évolutive), puisque celle donnée par Andrew McAfee, il y a un environ un an et demi (L’entreprise 2.0 se définit par l’utilisation des nouvelles plates-formes sociales dans les entreprises, ou entre les entreprises et leurs partenaires ou leurs clients), a depuis subit des évolutions et d’autres devraient encore apparaître. Cet article, dont la visée est avant tout pédagogique, est donc une pierre à un édifice plus vaste.

Les fondations du concept d’entreprise 2.0

Les nouveaux usages du web, que l’on qualifie généralement de web 2.0, ne remettent pas en cause les applications professionnelles au sein des entreprises, mais surtout les pratiques en découlant. De nombreux articles relatent cette opposition de ces deux approches des sytèmes d’information qui pourtant sont complémentaires comme le montre ce schéma.
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Pour se souvenir des catalogues (slates) d’éléments qui composent l’entreprise 2.0, Andrew McAfee a donc ajouté à sa définition cet acronyme SLATES (Search, Links, Authorship, Tags, Extensions, Signals).
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Il y a deux mois sur son blog, Dion Hinchcliffe proposait de compléter ce concept autour de 7 principes (vous trouverez ici une traduction complète) :

  1. L’entreprise 2.0 va se développer dans votre entreprise avec ou sans vous
  2. L’entreprises 2.0 performante n’utilise pas que des blogs ou des wikis (wiki, blog, application composite (mashup), communauté en ligne, marques pages sociaux, réseaux sociaux)
  3. L’entreprise 2.0 est plus un état d’esprit (collaboratif) qu’une suite de logiciels
  4. La plupart des entreprises doivent encore former leurs salariés aux outils et aux pratiques de l’entreprise 2.0, ainsi qu’aux médias sociaux
  5. Les bénéfices de l’entreprise 2.0 peuvent être importants, mais seront progressifs
  6. L’entreprises 2.0 ne s’oppose pas aux systèmes d’information traditionnels
  7. L’entreprise 2.0 va faire évoluer votre organisation dans un sens plus collaboratif

Ce dernier point est extrêment important car il préfigure des rapports plus égalitaires et moins hiéarchique. C’est pourquoi Dion Hinchcliffe a développé un nouvel acronyme à la place de SLATES, c’est FLATNESSES (Freeform, Links, Authorship, Tagging, Networked-oriented, Extensions, Search, Social, Emergence, Signals).

Ce nouvel acronyme qui renvoi à l’idée du passage d’un organigramme d’entreprise en pyramide à un aplatissement en réseau de ce dernier. Nous développerons un peu plus ce point dans la partie consacrée à l’organisation d’une entreprise 2.0
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Il s’agit maintenant, après avoir retracé la génèse du concept d’entreprise 2.0, de comprendre comment concrètement une entreprise « tradionnelle » peut passer au statut d’entreprise 2.0. Sur ce point deux choses sont à retenir impérativement. Premièrement on ne transforme pas son entreprise en entreprise 2.0 parce que c’est « fashion », mais parce que l’entreprise 2.0 est synonyme de productivité, efficacité et innovation. Deuxièmement, une entreprise ne se transforme pas d’un coup en entreprise 2.0, mais cette démarche est lente et progressive, pour pouvoir réellement s’intégrer dans le fonctionnement et la culture de l’entreprise.


L’entreprise 2.0 c’est avant tout des pratiques collaboratives

Si certains outils permettent ou facilitent le travail collaboratif, ils ne sont que des outils. Certaines organisations ont développé des wiki, mais ceux si demeurent inutilisés. Les collaborateurs d’une organisation qui n’ont pas pris l’habitude d’utiliser des outils collaboratifs ou de travailler de manière collaborative, ne vont pas s’y mettre d’un seul coup et les utiliser comme s’ils avaient fait cela toute leur vie. Une appropriation de ces méthodes et outils nécessite un accompagnement suivant une courbe d’apprentissage. Il peut aussi y avoir un fossé générationnel entre les différents individus de l’organisation. Il est possible dans de nombreuses entreprises, et depuis longtemps, de partager son agenda (icalendar), et pourtant il y a toujours des réticents qui utilisent un agenda papier, non pas en sus, mais comme agenda unique. Plus extrême, comme le soulignait Don Tapscott lors de la présentation de son livre à Paris, Wikinomics, une jeune fille américaine d’une vingtaine d’année lui a expliqué que le mail était dépassé et qu’il ne pouvait lui servir que pour remercier les parents d’un ami qui l’aurait inviter à dîner. Un autre obstacle peut venir de la DSI, qui peut se sentir en danger ou exclue, si elle n’est pas à l’origine ou participe à cette évolution. Son système d’information est stable et fonctionne, et là vous lui proposez de remettre son système d’information en question. Cela n’est envisageable que dans un cadre de coopération et non d’affrontement. Ce petit schéma résume cette idée de lien entre le web 2.0 et l’entreprise.


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Finalement on pourrait se demander quelle est la valeur ajoutée du travail collaboratif. La réponse pourrait se résumer tout simplement par le titre de ce livre : « We are smarter than me« . Et cela repose en grande partie sur la circulation de l’information. Bien sûr, ces pratiques vont à l’encontre de ce que l’entreprise nous conditionne à faire : apparaître comme indispensable au bon fonctionnement de l’entreprise auprès de ses supérieurs et ainsi progresser dans la hiérarchie. Cela va à l’opposé de l’adage INFORMATION = POUVOIR


L’entreprise 2.0, c’est aussi une organisation 2.0

L’objectif est de développer une organisation qui ne soit pas planifiée par le haut mais une organisation intégrative où chaque individu, par un effort de communication, va constituer un groupe de travail. Quid de la maîtrise et de la cohérence nous direz vous ? Elles existent toujours, mais il y a un besoin de mettre de la communication transversale. L’idée selon laquelle il faut toujours se battre contre tous est assez répandue : collaborateurs, concurrents… (par exemple un logiciel d’ERP, souvent considéré comme un outil de contrôle, a généré des réactions, de la méfiance de la part de l’individu). Ce qui est intéressant dans un cadre d’organisation intégrative, c’est la singularité de pouvoir développer le collaboratif, l’innovation, l’ouverture, la confiance avec le client, le collègue, l’animateur du groupe.

Dans un monde de complémentarité, on cherche l’unicité de chacun et on peut construire un contrat avec les autres ; ce qui est difficile dans ce contrat c’est la date à laquelle on s’engage car elle rend nécessaire l’auto-organisation et la gestion de l’environnement au niveau de l’outil comme de l’organisation. Il faut développer des étapes et si nécessaire, il faut renégocier ce contrat en cas d’échec. Le groupe est un facteur de tolérance supplémentaire, il faut donc agir en transparence et avec responsabilité par rapport aux erreurs. La production n’est plus celle d’un individu grâce au web 2.0, mais celle d’un groupe, d’une démocratie partagée. L’émergence du jeu, de la construction de l’imaginaire est ce dont nous avons besoin. Les jeux préfigurent ce dont la société a besoin. Cependant, souvent les individus ont besoin de pouvoir (information = pouvoir), mais ce dernier est avant tout hiérarchique. Celui qui échappe au pouvoir de domination, c’est celui qui crée. Il existe un ersatz au pouvoir de domination, c’est la création. Maintenant, pour animer une communauté en entreprise, il y a besoin d’outil collaboratif (blog, wiki, réseau social, podcast, metaverse collaboratif…) qui peuvent donner la parole à ceux qui ne l’ont pas d’habitude. Il s’agit de commencer et de laisser jouer l’effet ruche. Le brainstorming permet de connecter les intelligences de plusieurs personnes.

Aussi, l’Entreprise 2.0 nécessite également de revoir entièrement la gestion des carrières et les modèles d’évaluation des collaborateurs. Il n’est pas possible de vouloir quantifier l’apport du collaborateur en comptant par exemple le nombre de publications produites sur l’intranet de l’entreprise. Nous sommes dans une démarche qualitative, et la fixation d’objectif quantitatif va à l’encontre de cette démarche. Il existe en effet des collaborateurs qui s’ils ne produisent pas ou peu, participent tout autant à la diffusion de l’information. Ils annotent, commentent, expliquent… pour le bénéfice de tous (les commentaires dans les blogs n’ont pas qu’une fonction purement sociale, mais permettent d’enrichir la production initiale). Tout en sachant que ces remarquent ne circulent pas uniquement sur l’intranet de l’organisation, mais se transmettent tout aussi rapidement par le lien social qui existe entre les collaborateurs de l’entreprise à travers les différents échanges informels que l’on peut avoir dans une structure. Ces échanges représentent plus que la simple transmission d’une information, mais sont généralement accompagnées d’une analyse ou d’un ressenti qui vont influencer autrui dans sa manière d’appréhender cette dernière. Il devient donc indispensable de pouvoir évaluer et valoriser l’importance d’un collaborateur en fonction de ses actions formelles et informelles. C’est un véritable accompagnement de la gestion des ressources humaines qui est à repenser.


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Pistes pour transformer son entreprise en 2.0

Comme cela a été expliqué plus haut, transformer son entreprise en 2.0 prends du temps et doit se faire par étape. Alors comment procéder ?

Il ne faut surtout pas exclure la DSI de cette procédure, elle peut être votre « champion » comme votre pire ennemie si elle se sent exclue de ce processus. D’ailleurs, elle a sans doute déjà pensé à ces évolutions et a déjà conduit des initiatives dans ce sens. C’est par cela que tout commence, un recensement des pratiques de votre entreprise (existent-ils des projets 2.0 au sein de votre entreprise), mais aussi de vos collaborateurs (combien sont déjà présents sur un réseau social ou gèrent un blog à titre privé, ont déjà été sur wikipedia, utilisent des flux RSS pour s’informer…). Organisez avec les plus motivés une réunion où vous pourrez échanger autour de ce projet et voir comment le mettre en place dans votre organisation. Deux possibilités : de façon verticale par service ou horizontale par métier, mais toujours en lien avec une problématique de l’entreprise. Comme nous l’avons aussi vu, les ressources humaines jouent un rôle fondamental sur un plus long terme. Obtenir un soutien de leur part, comme pour le DSI, est un véritable plus. S’ils sont convaincus, ils participeront d’autant plus à l’évolution de la gestion des ressources humaines et n’auront pas l’impression de se retrouver devant le fait accompli. Pour soutenir votre action en la matière, n’hésitez pas à conseiller des lectures ( »Wikinomics »,  »De la pyramide au réseau »…), des sites comme Cases 2.0 qui recencent des expériences menées.

Une fois cette expérience mise en place, en choisissant une ou des solutions 2.0 : marque-page social ou partagé, blog, RSS… organisez une réunion mensuelle du groupe de travail. Si vous pouvez mettre en place un tableau de bord avec des indicateurs de performance c’est encore mieux. Le retour d’expérience sera d’autant plus intéressant et vous permettra de d’élargir votre base de développement, preuves à l’appui.