Les nouveaux horizons RH

Si vous êtes intéressé par les RH, vous ne pouvez que le connaître notamment à travers son blog, Alexandre Pachulski est rapidement devenu une figure incontournable des milieux RH, au delà de sa fonction de directeur général produits de Talentsoft. Aujourd’hui il met noir sur blanc son expertise et point de vue autour des RH et de l’impacts des usages et technologies collaborative à travers son nouvel ouvrage : les nouveaux horizons RH. Pour lui, la société connaît avec les médias sociaux des évolutions profondes qui influencent nos interactions sociales, notre rapport à l’information, au travail, à l’autorité. Pour rester compétitive et permettre à tous ses talents de collaborer, l’entreprise doit intégrer ces changements. Les RH apparaissent comme les pilotes naturels de cette mutation.

Quels sont les enjeux pour les RH ? Quels sont les impacts des médias sociaux sur l’entreprise ? Comment rendre le management des talents plus collaboratif et plus performant ? L’auteur répond à toutes ces questions en s’appuyant sur les témoignages concrets de professionnels (dirigeants, RH…) de BNP Paribas, Groupama, VMWare, La Française des Jeux… et des consultants comme moi.

Voyons ce qu’Alexandre peut nous dire de plus.

Alexandre, tu parles beaucoup de talents dans ton ouvrage. Peux-tu nous en donner ta définition et pourquoi selon toi est-ce incontournable ?

Le talent, c’est la capacité d’un individu à contribuer, apporter quelque chose, faire la différence dans un domaine et un contexte donnés ! Plus simplement, c’est la bonne personne au bon endroit au bon moment.

Je préfère aujourd’hui donner une définition informelle du talent car comme je l’explique dans le livre, il existe de multiples approches et formes de talent : marathonien, star, innovant, performant, différent, …. Il ne s’agit pas d’adopter une approche élitiste qui viserait uniquement les hauts potentiels, ces quelques « happy few » amener à occuper des responsabilités importantes dans l’entreprise. Tout le monde a quelque chose à donner. L’enjeu est d’aligner ce quelque chose avec les besoins de l’entreprise.

Ce n’est pas la notion de talent en soi qui est incontournable mais plutôt le fait que l’entreprise doive, pour rester compétitive dans notre environnement complexe et incertain, manager ses talents de la façon la plus efficace et collaborative possible.

 

Comment se gère alors ces talents, et puisqu’il y a des retours d’expérience, as tu rencontrer beaucoup d’entreprises qui mettent ce management en oeuvre ?

Tenter de bien manager ses talents n’est plus exotique. En 2005, les entreprises cherchaient déjà à recruter les meilleurs, à les former, à fixer la bonne rémunération… Ce qui a changé depuis est cette prise de conscience que ces différents sujets RH ne peuvent plus se traiter séparément les uns des autres. Les entreprises sont conscientes de cette interdépendance des processus RH dits de gestion des talents, ce qui explique qu’elles cherchent massivement à s’équiper de solutions intégrées de gestion des talents (les fameux SIRH).

Il s’agit en général de démarrer avec le recrutement (car pour manager des talents il faut d’abord les attirer) ou les entretiens annuels d’évaluation, permettant notamment d’évaluer l’atteinte des objectifs et l’occupation des compétences, recenser les souhaits de formation et de mobilité, etc. Elles relient ensuite ces entretiens au plan de développement et de rémunération. La question des revues de personnel intervient toujours à un moment ou à un autre.

La clé de la réussite est la définition d’un projet ambitieux mais réaliste, c’est-à-dire définissant des jalons atteignables étalés dans le temps, et impliquant l’ensemble des acteurs de l’entreprise.

 

Tu parles d’employabilité des collaborateurs, les entreprises ne vont-elles pas craindre perdre leurs talents ?

Le réflexe naturel d’un manager lorsqu’il détecte un talent et le fait savoir, est qu’on lui « pique ». C’est presque un réflexe naturel. Mais la vérité est que cette personne partira de toute façon à un moment ou à un autre. La question n’est donc pas de le retenir à tout prix mais de savoir comment le développer au maximum de ses possibilités, tout en répondant à ses attentes et aux besoins de l’entreprise, afin qu’il contribue le plus longtemps dans l’équipe. Quand le manager aborde le problème de la fidélisation de ses collaborateurs de cette façon, le turn-over est en général assez faible. A l’inverse, si les collaborateurs sentent qu’ils sont perçus comme de simples ressources dont on fait peu cas, il se passe exactement l’inverse de ce que veut le manager.

Il en est de même au niveau de l’entreprise. La question centrale de l’employabilité est celle du développement des collaborateurs, tant en termes de compétences que d’épanouissement. Comment faire pour que le collaborateur puisse un jour occuper le job de ses rêves ? La question de la fidélisation se pose tant que l’entreprise peut développer le collaborateur et lui offrir des perspectives proche de son idéal. Quand ce n’est plus le cas, mieux vaut laisser partir les gens. D’où l’intérêt d’avoir un processus de détection des talents (internes et externes) bien rôdés 😉

 

Du coup, puisqu’on parle de plus en plus de marque employeur, ta vision de la promesse employeur ?

La promesse employeur, c’est expliquer le plus simplement et honnêtement ce que l’entreprise peut offrir, et quelles en sont les limites. Il faut d’abord afficher les valeurs, la culture, l’ambition de l’entreprise. Expliquer aux candidats (mais aussi rappeler aux collaborateurs) comment ils peuvent s’insérer dans l’organisation, comment ils peuvent contribuer. Et s’assurer que ce que l’entreprise a à offrir est en ligne avec les attentes de l’interlocuteur. C’est aussi simple que ça. La vraie question est celle-ci : comment s’assurer qu’il n’y a pas autant de promesses employeur que de recruteurs (ou de managers) ? Une fois encore, les RH ont un rôle clé à jouer sur ce sujet.

 

Ta vision de l’impact des médias sociaux sur les processus RH ?

Les processus RH sont par nature des processus collaboratifs. Qui dans l’organisation aurait idée de recruter un candidat sans que personne d’autre ne l’ait vu ? Qui peut prétendre attirer ce candidat sans qu’aucun des contacts de ce dernier ne lui ai fourni des infos, du simple « un job est libre dans cette boîte » à « cette boîte est top, tu devrais y aller ». On parle dans ce cas de cooptation.

Les médias sociaux ne créent pas dans le virtuel ce qui n’existe pas dans le réel, mais ils peuvent par contre amplifier et accélérer ce qui se fait dans le réel. C’est ce que peuvent apporter les médias sociaux pour les processus RH : une accélération et plus de fluidité.

Pour poursuivre mon exemple du recrutement, la cooptation sociale proposée par des réseaux tels que Facebook ou LinkedIn est très puissante. Encore faut-il faire le lien avec le SIRH de l’entreprise, sans quoi il y aura un fossé entre les processus externes et internes. Le rôle de la RH est de construire une passerelle entre ce qui constitue encore deux univers.

Pour toi c’est quoi une organisation collaborative et ça sert à quoi ?

C’est une organisation plutôt horizontale, en réseaux, qui ne déclenche pas 17 étapes de validation pour acheter un stylo, où l’information circule de façon plutôt transparente, et où les managers coordonnent plutôt qu’ils ne dirigent. Est-ce une utopie ? Peut-être, mais c’est assurément la cible. D’abord parce que les gens ont développé de nouveaux comportements, de nouveaux usages, de nouvelles attentes dans leur sphère privée, et notamment à cause ou grâce aux médias sociaux. Ensuite parce que la frontière entre sphère privée et professionnelle est à revoir. Que dire d’une information concernant l’entreprise publiée sur le compte personnel Twitter d’un collaborateur ? Ou commence et ou s’arrête le système d’information de l’entreprise ?

Ensuite, les problèmes sont aujourd’hui tellement complexes qu’ils nécessitent la collaboration de nombreux acteurs (internes et externes) pour être résolus. Comme je le disais dans un récent post, le manager de demain est un coordinateur ! Une organisation collaborative, ça sert à rendre la boîte compétitive, tout simplement.

 

Quels liens entre les RH et l’organisation collaborative ?

Les RH sont responsables des démarches de management des talents depuis de nombreuses années maintenant. Ils sont également en mesure, de par la nature même de leur fonction, de combiner les aspirations des collaborateurs avec leurs compétences et les besoins de l’entreprise. Ils ont déjà commencé à s’approprier les médias sociaux pour leurs usages professionnels, notamment pour le recrutement. En ce sens, et pour de nombreuses autres raisons encore, ils sont les mieux placés pour conduire le changement dans l’entreprise ! Oseront-ils le faire ?

 

Tu parles de réseaux sociaux d’entreprise, de médias sociaux et le SIRH dans tout ça, lien, complémentarité… ?

Le SIRH reste (et restera à mon avis encore longtemps) en charge de regrouper et centraliser l’ensemble – de plus en plus diffus et épars – d’informations sur les collaborateurs d’une part, et de fluidifier les transactions RH d’autre part. Tout l’enjeu consiste comme je le disais à créer cette passerelle avec les médias sociaux afin d’aller vers un système d’information étendu, faisant fi des frontières poreuses de l’entreprise. J’espère que le livre contribuera à motiver et éclairer ceux qui seront tentés par ces nouveaux horizons RH ! 😉

 

Merci beaucoup Alexandre et bonne lecture à tous