La semaine dernière une étude menée par IPSOS, le CESI en partenariat avec le Figaro a été dévoilée. Celle portait notamment sur la vision des dirigeants (404) et de leurs salariés (1000) sur la transformation digitale. Si les résultats peuvent sembler surprenants, ils ne le sont pas tant que ça au final. Quand on voit comment la transformation digitale est expliquée et déployée, ou pas, dans les entreprises.
Quelle importance lui donner ?
Tout d’abord il est important de voir comment la question est posée sur l’importance de la transformation digitale au sein de l’entreprise auprès des salariés. Les termes stratégiques et essentiels sont utilisés.
Notons tout de même que le sujet est dans 80% des cas considéré comme non secondaire par les salariés de l’entreprise. Certes, seulement 21% le considèrent comme stratégique, mais on peut mettre beaucoup de chose derrière le mot stratégique et surtout je ne connais pas beaucoup d’entreprises qui fassent participer les salariés à la stratégie de l’entreprise. L’information sur ce sujet est souvent le parent pauvre de la communication interne, quand elle existe. Cet écart est encore plus grand entre cadres et ouvriers (42% contre 12% des ouvriers). Là encore, le fossé digitale et l’accès à la communication interne entre cols blancs et bleus est énorme. Ce qui est malheureux quand on voit les possibilités offertes par les outils nomades pour réduire ce fossé, tandis que ces ouvriers les utilisent tous les jours dans leur vie personnelle. Donc si le digital ne les concerne pas au quotidien, malheureusement, pourquoi le verraient-ils comme stratégique. Ce qui est d’autant plus dommageable quand on sait la valeur ajoutée que cela pourrait avoir sur ces professions qui ne sont pas devant des ordinateurs. C’est sans doute là que les marges de valeurs sont les plus grandes, à condition d’investir et s’investir.
La taille de l’entreprise est aussi importante dans cette approche, car le rapport à la transformation qui est un chantier assez lourd (3 dimensions : interne, externe, business model), si on regarde une grande entreprise. Elle peut être plus agile pour une petite entreprise, mais on ne peut pas les mettre au même niveau en terme de stratégie. Cela est d’autant plus frappant au niveau des patrons d’entreprises pour qui les enjeux de court-moyen et long terme ne sont pas les mêmes (69% pour les entreprises de 250 salariés et plus contre 29% pour ceux de moins de 10 salariés).
Quel impact pour chacun et l’entreprise ?
Les employeurs sont moins réceptifs que leurs collaborateurs à cette transformation, car cela fait une difficulté de plus à gérer, avec cependant une tendance contre laquelle il est difficile d’aller (62% des employeurs ne la voient ni comme une opportunité, ni comme un frein). Mais là encore, les cadres la voient plus comme une opportunité (63%), et ce qui est intéressant, c’est que très peu la considèrent comme un frein.
Il est par contre impressionnant de voir à quel point les chefs d’entreprises ne comprennent toujours pas l’impact de cette transformation, même dans sa dimension la plus évidente. Voir que quasi la moitié d’entre eux ne pensent pas que cela change leur relation client est quand même impressionnant.
Des salariés plus matures ?
Dans le même temps seulement environ 15% des salariés ont une vision négative de cette transformation, avec 1/3 qui ne voit pas de changement. Cela montre aussi que la partie transformation interne et manageriale est toujours le parent pauvre de ce sujet. D’ailleurs quand on voit aussi que 1/3 d’entre eux s’inquiètent de leur possibilité de déconnection le WE, ainsi que le niveau de stress lié à ces technologies, cela renforce bien l’idée que l’évolution des modes de management en lien avec les usages de ces nouvelles technologies n’est toujours pas intégré. On continue de limiter cette vision de la transformation digitale aux outils, même si 80% des salariés se sentent à l’aise avec ces outils (cela montre bien les limites du discours des entreprises qui pensent que leurs salariés ne sont pas digitaux).
Au final rien de nouveau sous le soleil, si ce n’est que montrer qu’une vision outil domine, que les dirigeants sont sans doute plus déconnectés que leur salariés et qu’avant de parler de transformation digitale, il faudrait se poser la question du fossé digital entre cols bleus et cols blancs. Elle commence par là la vraie transformation digitale.